10Quint. inst. 2, 4,16 : Nam ut primo, cum sermo instituitur, dicere quae audierint utile est pueris ; 11 Quint. inst. 10, 1,8 : Et quae idem significarent scio solitos ediscere, quo facilius et occurrer 5 De ces donnĂ©es dĂ©rive que le trait de caractĂšre qui dĂ©finit le circulator est la canaillerie. On doit se mĂ©fier de lui. Un troisiĂšme aspect, prĂ©gnant pour les rapports entre l’art Grand débat national, grand oral au bac... la pratique de l’éloquence, théorisée sous l’Antiquité, revient à la mode. Qui ne s’est pas un jour trouvé sans mots dans une situation où la parole aurait été salutaire ? Élève, on a parfois eu l’impression de tomber dans un trou noir face à la question d’un enseignant. Ami, on a parfois échoué à trouver les mots qui auraient réconforté. Citoyen, on n’a parfois pas osé hausser le ton face à une incivilité. Nous sommes plus de 70 % à estimer souffrir de glossophobie », la peur de parler en public. Et bien peu à penser être dotés d’éloquence, ce talent permettant de produire des discours qui persuadent, plaisent et touchent nos interlocuteurs. Cette capacité semble réservée aux orateurs médiatiques et aux représentants politiques. Pourtant, ils ne peuvent pas être les seuls à prendre part au débat public. C’est même pour permettre aux citoyens de s’exprimer sur la scène politique que l’enseignement de l’éloquence a accompagné la naissance de la démocratie au Ve siècle avant notre ère. Ce rôle politique semble aujourd’hui refaire surface puisque des mesures et initiatives devant permettre à chacun de savoir se faire entendre se multiplient le grand débat national » organisé par le gouvernement pour sortir de la crise des Gilets jaunes, un grand oral ajouté aux épreuves du bac ou encore la démocratisation des concours d’éloquence. Mais si l’éloquence est nécessaire à l’éducation du citoyen, pourquoi l’avoir mise de côté jusqu’ici ? Simple oubli ou méfiance ? Car si on admire la verve des bons orateurs, on les soupçonne aussi d’être de beaux parleurs et de verser dans la démagogie pour nous plaire. Marqueur social de domination ou signe de manipulation, le talent oratoire suscite autant l’admiration que le soupçon. Alors à quoi tient cette ambivalence ? Que permet réellement un discours éloquent ? Doit-on replacer l’éloquence au centre de l’éducation ?Politiquement nécessaire, philosophiquement décriée À Athènes, au Ve siècle avant notre ère, naît un régime qui nous est aujourd’hui familier la démocratie. Celle-ci est directe, c’est-à-dire sans représentants élus, et repose donc sur le pouvoir des citoyens, ou plus précisément sur le pouvoir de leur parole. Ils doivent en effet savoir exposer leurs idées de lois et persuader leurs concitoyens de voter pour elles à l’assemblée du peuple, l’Ecclésia. En réponse à cette évolution, des cours de rhétorique se créent leurs maîtres promettent de transmettre – moyennant salaire – leur éloquence, c’est-à-dire leur talent oratoire. Pour cela, ils enseignent un ensemble de règles se rapportant au discours sa structure, les figures de style à utiliser, les différents types d’arguments, etc., appelées règles de rhétorique. Grâce à ces leçons, les citoyens doivent savoir inventer et proférer avec talent de jolis discours persuasifs en toute circonstance. Mais n’est-ce pas là un art de la manipulation ? C’est la question qui s’élève parmi les philosophes, en particulier chez Socrate et son disciple Platon. Le premier menait de nombreux débats oraux avec ses contemporains mais n’a rien écrit ; son disciple Platon s’en est chargé, sous la forme de dialogues. Dans l’un d’entre eux, le Gorgias, Socrate s’oppose sévèrement aux beaux discours des maîtres de rhétorique en les assimilant à des sophistes. À cette époque, sophiste » est le nom donné à ceux qui possèdent des connaissances dans tous les domaines reconnus, de la physique au droit. Mais, pour Socrate et Platon, posséder une connaissance sur une chose exige de commencer par s’interroger sur sa nature celui qui fait l’économie de cette étape et se contente d’accumuler des informations dans tous les domaines et de joliment les exposer n’est pas un savant. Au mieux, il est doublement ignorant, puisqu’il ignore ce que sont les choses et ignore qu’il l’ignore. Au pire, il sait que ses discours n’expriment pas une réelle connaissance il est alors un manipulateur. Pour Socrate, ceux qui prétendent enseigner à parler de tous les sujets de manière persuasive sans en être experts sont donc bien des sophistes. Leurs paroles ne sont pas seulement creuses ou superficielles, mais également dangereuses en se laissant séduire par ces belles paroles qui flattent les opinions aussi fausses que répandues, on en vient à se désintéresser de la vérité et de la justice. LarentrĂ©e, c'est rĂ©glĂ© ; Livres : le 3Ăšme offert; livraison express offerte avec Fnac+; Accueil; Livre; L'Art de bien parler; L'Art de bien parler Laurie Schloff Marcia Yudkin (Auteur) Paru en janvier 1993. Occasion - État : TrĂšs bon. TrĂšs bon 1,72 € Bon 1,73 € Correct 6,98 € Occasion - État : TrĂšs bon Couverture, dos, coins, et pages intĂ©rieures qui peuvent prĂ©senter des

Qu’est-ce que l’élicitation ? Ce mot, qui ne figure pas dans tous les dictionnaires, est une traduction littĂ©rale du terme anglais “elicitation”. Il fait rĂ©fĂ©rence Ă  la mise en Ɠuvre des techniques qui permettent d’obtenir, de la part des autres, des renseignements et des informations. L’élicitation n’est pas autre chose qu’une pratique pour faire parler notre interlocuteur, sans qu’il ne se rende Ă©videmment, l’élicitation implique qu’il faut d’abord dĂ©tecter la personne qui dĂ©tient l’information qui nous intĂ©resse. Mais, pour l’obtenir sans Ă©veiller les soupçons, sans que l’autre personne ne se rende compte de notre objectif, nous ne pouvons pas poser de questions directes. Les personnes sur qui nous utilisons cette pratique ne s’apercevront peut-ĂȘtre jamais qu’elles nous ont donnĂ© une information importante. Quelles sont les caractĂ©ristiques des Ă©liciteurs ? Les personnes qui maĂźtrisent l’élicitation doivent bien connaĂźtre les gens, c’est un prĂ©requis indispensable. Elles connaissent leur façon de se comporter, ainsi que les diffĂ©rences qui existent entre les prĂ©dispositions culturelles de chacun. Les Ă©liciteurs, normalement, sont des personnes dĂ©sireuses d’aider les autres, mĂȘme les personnes qui leur sont totalement Ă©trangĂšres. Un Ă©liciteur est gĂ©nĂ©ralement une personne bien informĂ©e, qui peut parler de n’importe quel sujet, de maniĂšre trĂšs professionnelle. Les Ă©liciteurs maĂźtrisent quelques sujets en profondeur et sont souvent trĂšs attirĂ©s par les rumeurs et les ragots. Ils ont tendance Ă  corriger frĂ©quemment les autres. Ils pensent que les autres sont, en gĂ©nĂ©ral, des personnes honnĂȘtes. Lorsqu’on leur demande quelque chose honnĂȘtement, ils disent souvent la vĂ©ritĂ©. Mais ils disposent Ă©galement de la capacitĂ© Ă  faire admettre comme une vĂ©ritĂ© absolue leur opinion personnelle. Les techniques d’élicitation Il existe diverses techniques d’élicitation. On en choisira une en fonction du moment et des capacitĂ©s de l’éliciteur. Voici quelques-unes des techniques les plus efficaces La connaissance feinte prĂ©tendre avoir des connaissances sur certains sujets ou connaĂźtre des personnes qui le maĂźtrisent est un bon exemple d’élicitation. Voici une phrase qui illustre cette technique “Comme le disaient les ingĂ©nieurs informaticiens avec qui je travaillais
“ Le bracketing la mise entre parenthĂšses il s’agit de donner une estimation basse et une estimation haute pour entraĂźner l’interlocuteur Ă  rĂ©pondre un nombre plus spĂ©cifique. Par exemple, lorsqu’une personne dit “Je pense que les impĂŽts vont augmenter entre 5 et 10 euros“, il est fort probable que son interlocuteur rĂ©ponde “Oui, de 7 euros trĂšs exactement“. Les phrases incomplĂštes il s’agit ici de dĂ©buter une histoire en espĂ©rant que l’interlocuteur va vouloir la terminer en rajoutant des connaissances spĂ©cifiques. Par exemple “J’ai entendu que l’entreprise X Ă©tait en train de dĂ©velopper un nouveau produit incroyable, capable de
“. A ce moment, l’interlocuteur va vouloir faire Ă©talage des informations qu’il dĂ©tient et qu’il valorise. Le leurre de la confidentialitĂ© pour mener Ă  bien cette technique, l’éliciteur va prĂ©tendre divulguer une information confidentielle, dans le but de recevoir d’autres informations confidentielles de la part de son interlocuteur. Par exemple, une phrase qui commence par “Cela reste entre nous mais
” appartient Ă  cette catĂ©gorie. La critique critiquer un individu ou une organisation qui intĂ©ressent particuliĂšrement l’interlocuteur est une technique qui l’entraĂźne Ă  divulguer des informations pour les dĂ©fendre. Par exemple “Il est Ă©trange que cette entreprise ait obtenue cette information” ou “Tout le monde sait que l’entreprise X a de meilleurs ingĂ©nieurs que l’entreprise Y“. La nĂ©gation de l’évidence dire consciemment quelque chose de faux amĂšne l’interlocuteur Ă  corriger l’éliciteur en lui rĂ©vĂ©lant de vĂ©ritables informations. Par exemple “Tout le monde sait que ce procĂ©dĂ© ne fonctionnera pas, c’est un rĂȘve qui paraĂźt parfaitement inatteignable“. L’ignorance feinte il s’agit ici de faire semblant de ne rien savoir d’un sujet. Cette pratique amĂšne l’interlocuteur Ă  s’épandre sur un domaine qu’il maĂźtrise, afin de jouer le rĂŽle de professeur de l’éliciteur et de lui en rĂ©vĂ©ler un peu trop. Par exemple “Je suis nouveau dans ce domaine et je pourrais utiliser toutes les informations dont vous disposez“. Ou, plus simplement “Mais comment cette discipline fonctionne-t-elle ?“. Comment dĂ©jouer les techniques d’élicitation ? La premiĂšre chose pour Ă©viter que les autres n’obtiennent de vous des informations confidentielles que vous possĂ©dez, c’est d’identifier celles que vous voulez protĂ©ger. Parmi tout ce que vous savez, quels sont les renseignements les plus prĂ©cieux pour les autres ? Une fois que vous avez dĂ©fini les informations Ă  protĂ©ger, vous devez vous mĂ©fier Ă  chaque fois que quelqu’un y fait rĂ©fĂ©rence. Vous ne devez jamais donner des informations aux personnes qui ne sont pas habilitĂ©es Ă  les connaĂźtre, mĂȘme si elles font partie de votre famille ou de votre cercle d’amis. Pour dĂ©jouer les techniques d’élicitation, vous pouvez utiliser diverses armes, parmi lesquelles on retrouve RĂ©pondre avec des informations blanches, ou publiques, comme celles qui paraissent dans la presse par exemple. Ignorer les questions et changer de sujet. RĂ©pondre avec une question. RĂ©pondre en demandant Ă  la personne pourquoi elle vous pose cette question. Donner une rĂ©ponse mĂ©diocre. Dire que vous ne connaissez pas la rĂ©ponse, que vous ne savez rien du sujet en question. Clairement Ă©tablir le fait que vous ne pouvez pas parler de ce sujet. Dans un monde oĂč l’information est chaque jour plus importante, les informations personnelles et professionnelles dont nous disposons peuvent ĂȘtre trĂšs importantes pour les autres. Fort heureusement, nous ne partageons pas tous ces renseignements dans notre rĂ©seau, mĂȘme si certains Ă©liciteurs peuvent tenter de nous faire commettre cette erreur. Nous devons donc faire trĂšs attention aux diverses techniques utilisĂ©es Ă  cette fin. DĂ©sormais, vous ĂȘtes en mesure des les identifier et de les reconnaĂźtre, afin de les dĂ©jouer. Bien Ă©videmment, vous pouvez Ă©galement les utiliser Ă  votre avantage. Par exemple, si vous dĂ©sirez savoir ce que l’un de vos amis dĂ©sire comme cadeau pour NoĂ«l, vous savez dĂ©sormais comment procĂ©der ! Cela pourrait vous intĂ©resser ...

Voustrouverez la rĂ©ponse Ă  la question L’art __ est l’art de bien parler . Cliquez sur le niveau requis dans la liste de cette page et nous n’ouvrirons ici que les rĂ©ponses correctes Ă  CodyCross Arts Culinaires. TĂ©lĂ©chargez ce jeu sur votre smartphone et faites exploser votre cerveau. Texte intĂ©gral 1 Vers la fin de sa vie, Speroni caressa l’idĂ©e de publier une Ă©dition dĂ©finitive de ses dialogues, ... 2 L’édition des Dialogi parut Ă  Venise chez les fils d’Alde Manuce ; l’édition de 1542 comprend les ... 3 On trouvera le rĂ©cit de sa vie dans le dernier volume de l’édition des Ɠuvres de Speroni procurĂ©e ... 4 Sur l’inachĂšvement du Dialogo della Retorica, voir l’anecdote reprise par Mario Pozzi d’aprĂšs l’éd ... 5 Par rhĂ©torique, nous entendons la rhĂ©torique persuasive hĂ©ritĂ©e de l’antiquitĂ© classique, dont Cic ... 6 Les trattatelli se trouvent tous dans le tome V des Opere de Speroni, alors que le fragment du dia ... 1Sperone Speroni 1500-1588 a choisi d’exprimer ses idĂ©es sur la littĂ©rature, la philosophie, les langues, l’amour, les femmes, parmi d’autres sujets, dans des dialogues dont il n’a pas donnĂ© d’édition dĂ©finitive de son vivant1. La premiĂšre Ă©dition de ces dialogues, qui remonte Ă  1542, n’est pas elle-mĂȘme de son fait, mais est due Ă  son ami Daniele Barbaro qui la fit imprimer, sans doute avec l’accord de Speroni, Ă  la suite d’un fĂącheux Ă©pisode de plagiat qui impliqua Alessandro Piccolomini2. L’ouverture, le fragment, voire l’inachĂšvement, caractĂ©risent tant l’Ɠuvre que la biographie du Padouan Speroni3, qui reste pourtant fidĂšle au principe du dialogue qu’il pratiqua tout au long de sa vie. Une exception notable Ă  ce choix est constituĂ©e par l’Apologia dei Dialogi, Ɠuvre tardive, remontant Ă  1574, et qu’il Ă©crivit pour effacer les soupçons, suscitĂ©s Ă  son encontre par un anonyme gentilhomme romain, d’avoir Ă©crit contre la doctrine de l’Église. Outre l’Apologia, dans laquelle par ailleurs Speroni confirme sa confiance inĂ©branlable dans le dialogue socratique, celui-ci ne s’écarte de la forme dialoguĂ©e que dans quelques brefs traitĂ©s, concernant essentiellement la rhĂ©torique, et dans des discours prononcĂ©s dans des occasions diverses. À cet Ă©gard s’imposent deux constats. Tout d’abord, Speroni, homme qui a dĂ©libĂ©rĂ©ment optĂ© pour la forme ouverte et flexible du dialogue contre la fermeture et la rigueur du traitĂ©, choisit gĂ©nĂ©ralement cette derniĂšre forme, ou plus prĂ©cisĂ©ment le trattatello, souvent non abouti ou brusquement interrompu dans son dĂ©veloppement, pour exprimer ses idĂ©es sur la rhĂ©torique qui est au cƓur de ses prĂ©occupations littĂ©raires, civiques et humaines. En deuxiĂšme lieu, il faut rappeler que Speroni a Ă©galement consacrĂ© un important dialogue Ă  la rhĂ©torique, qui est pratiquement le seul de ses grands dialogues Ă  ne pas avoir Ă©tĂ© terminĂ©4. Faut-il voir lĂ  une sorte de gĂȘne face Ă  la dĂ©finition de la rhĂ©torique ? Une gĂȘne peut-ĂȘtre engendrĂ©e par la difficultĂ© d’aborder de maniĂšre adĂ©quate le sujet sur lequel il a le plus rĂ©flĂ©chi ? On objectera que chez Speroni, comme chez ses contemporains, la question de la rhĂ©torique est partout prĂ©sente et ne concerne pas seulement les Ă©crits qui la mentionnent explicitement5. Cela Ă©tant, il demeure vrai que pour mener Ă  bien une Ă©tude sur l’art de persuader selon l’auteur des Dialogi il vaut mieux partir des Ă©crits qu’il a spĂ©cifiquement consacrĂ©s Ă  ce sujet, mĂȘme s’il sera parfois nĂ©cessaire d’en dĂ©passer les limites. Le corpus sur lequel nous nous sommes penchĂ© comporte ainsi le Dialogo della retorica, les petits traitĂ©s Dell’arte oratoria, Del genere giudiciale, Del genere demonstrativo, Sopra il libro II della Retorica d’Aristotile, Della narrazione oratoria e istorica, Della imitazione, le dialogue inachevĂ© Sopra Virgilio et le Dialogo delle Lingue qui, comme son titre l’indique, ne concerne pas directement la rhĂ©torique, mais la langue, qui est la matiĂšre premiĂšre de la rhĂ©torique6. 7 Les caractĂ©ristiques essentielles du dialogue Ă  la Renaissance ont Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©es par Anne Godar ... 8 S. Speroni, Apologia dei Dialoghi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 684 Ogni dialogo sente non p ... 2Nous commencerons par analyser la dĂ©finition en nĂ©gatif de la rhĂ©torique qui se dĂ©gage des dialogues et des trattatelli, c’est-Ă -dire ce qu’elle ne devrait pas ĂȘtre ; nous verrons ensuite ce qu’elle devrait en revanche ĂȘtre et quel rĂŽle social lui est attribuĂ© par les diffĂ©rentes voix qui s’expriment dans les textes de Speroni que nous avons examinĂ©s. À l’intĂ©rieur des dialogues, les opinions de l’auteur pour ou contre une certaine conception de la rhĂ©torique ne s’identifient pas forcĂ©ment avec celles qu’exprime tel ou tel autre personnage participant au dĂ©bat7. À ce propos, il est peut-ĂȘtre intĂ©ressant de retenir d’entrĂ©e de jeu que Speroni lui-mĂȘme a dĂ©fini ses dialogues comme des comĂ©dies oĂč les idĂ©es dĂ©battues tiennent lieu de personnages8. Ce qui l’intĂ©resse est en effet de fournir la vision la plus complĂšte possible sur un sujet en intĂ©grant Ă  la discussion les points de vue les plus divers. Il revient alors au lecteur de se faire une opinion Ă  partir de tout ce qu’il a entendu dire au cours des discussions. Et cela vaut aussi pour les petits traitĂ©s que nous prenons en considĂ©ration, qui sont souvent des textes prĂ©paratoires Ă  ceux plus aboutis des dialogues. Nous vĂ©rifierons finalement, en guise de conclusion, l’impact qu’ont eu sur l’écriture de Speroni ses convictions thĂ©oriques en nous arrĂȘtant notamment sur quelques figures et artifices stylistiques rĂ©currents dans ses textes. Une vision critique affirmĂ©e 9 Au sujet de CicĂ©ron, Soranzo prĂ©cise qu’il a Ă©tĂ© plus un orateur qu’un rhĂ©teur, c’est-Ă -dire qu’il ... 3La question qui anime la discussion sur la rhĂ©torique dans l’Ɠuvre de Speroni concerne la place, la nature et surtout la pratique de celle-ci dans la culture et plus en gĂ©nĂ©ral la vie de son Ă©poque. Car, comme l’observe Soranzo, l’un des interlocuteurs du Dialogo della Retorica, ni CicĂ©ron ni Quintilien n’ont su donner des rĂšgles et des prĂ©ceptes clairs et prĂ©cis pour ceux qui voudraient s’essayer Ă  cet art exigeant et difficile9. Soranzo se demande ensuite si le toscan littĂ©raire, codifiĂ© par Bembo dans ses Prose della volgar lingua 1525, est adaptĂ© pour traiter les trois types de causes oratoires – judiciaire, dĂ©libĂ©rative et dĂ©monstrative – qui n’ont rien Ă  voir avec les nouvelles de Boccace, lesquelles constituent le modĂšle le plus abouti pour la prose vulgaire. Que devra donc faire l’auteur moderne pour parfaire son Ă©loquence, de quels modĂšles devra-t-il s’inspirer ? Soranzo espĂšre que ses deux interlocuteurs pourront l’aider Ă  rĂ©soudre ses doutes 10 De plus, je me demande si l’art oratoire de la langue latine convient aux autres langues, en part ... Oltra di questo, io sono in dubio, se l’arte oratoria della lingua latina si convegna con l’altre lingue, spetialmente con la toscana che noi usiamo hoggidi; nella quale io ho opinione che a dilettare alcun maninconico, imitando il Boccaccio, qualche novella si possa scrivere senza piĂč; cosa veramente diversa dalle tre guise di cause, le quali da latini scrittori sola, et generale materia della loro arte retorica, si nominarono. Da questi adunque, et da altri tai dubij che di continuo mi s’aggirano nell’intelletto, infin’hora non ho trovato chi mi svilluppi10. 11 Par son Dialogus Ciceronianus sive de optimo genere dicendi Érasme entendait moins attaquer l’éloq ... 12 Valerio dĂ©clare en effet au dĂ©but du dialogue Voi apparecchiatevi non solamente ad udire, ma a ... 13 Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. RhĂ©torique et res litteraria » de la Renaissance au seuil d ... 4DĂ©jĂ  la maniĂšre dont est formulĂ©e la question de Soranzo laisse comprendre que l’issue du dĂ©bat ne sera peut-ĂȘtre pas si favorable Ă  l’éloquence cicĂ©ronienne qu’Érasme avait condamnĂ©e dans son dialogue Ciceronianus, paru Ă  BĂąle en 1528, un an tout juste avant la date oĂč est censĂ© se dĂ©rouler le Dialogo della Retorica11. Comme on l’a dĂ©jĂ  dit, ce dernier est inachevĂ© et ne dĂ©veloppe que l’argumentaire de Brocardo, auquel Valerio aurait dĂ» rĂ©pondre par des arguments contraires12. Ce dernier n’en contient pas moins, Ă  l’instar des autres textes sur la rhĂ©torique de Speroni, certaines critiques Ă  cĂŽtĂ© d’aspects plus favorables Ă  la rhĂ©torique cicĂ©ronienne. Certes Marc Fumaroli range l’auteur des Dialogi parmi les tenants du cicĂ©ronianisme, mais notre impression est que pour Speroni CicĂ©ron est un peu comme l’ombre encombrante d’un pĂšre dont il voudrait s’émanciper sans y parvenir rĂ©ellement. Sa pensĂ©e, ainsi que celle de ses contemporains, est nourrie de l’Ɠuvre de CicĂ©ron au point que mĂȘme lorsqu’il croit prendre ses distances par rapport au rhĂ©teur romain, il n’y arrive pas tout Ă  fait. Sans vouloir appliquer Ă  Speroni des Ă©tiquettes simplistes trouvĂ©es Ă  posteriori par la critique, on retiendra la juste observation de Marc Fumaroli selon lequel dans le domaine louvoyant de la rhĂ©torique, oĂč l’on est toujours le sophiste de quelqu’un, ce n’est qu’au prix d’une simplification polĂ©mique, et risquĂ©e, que l’on peut diviser l’éloquence en deux camps ; l’un des justes et l’autre des coupables13 ». À travers la sophistique, on entendait alors stigmatiser un art du discours qui tendait Ă  dissocier forme et sens, expression et contenu. C’est sur ce plan de la recherche d’une Ă©loquence n’encourant pas ce dĂ©faut que se situe la contribution de Speroni Ă  la rĂ©flexion sur la rhĂ©torique. C’est lĂ  son souci majeur et le fil rouge qui orientera notre lecture de ses Ă©crits, non exempts d’incohĂ©rences et de contradictions. 5AprĂšs que Soranzo a exprimĂ© ses doutes, la parole passe Ă  Brocardo. Celui-ci, sous prĂ©texte de lui rĂ©pondre, en profite pour exposer son point de vue sur la rhĂ©torique, alors que ses deux autres interlocuteurs, Soranzo et Valerio, se bornent Ă  lui poser les questions permettant de faire progresser le dĂ©bat. Cette circonstance est importante pour interprĂ©ter d’une maniĂšre correcte le Dialogo della Retorica. Les opinions de Brocardo ne sauraient se confondre avec celles de l’auteur ni de ses deux autres interlocuteurs, d’oĂč l’exigence de confronter les idĂ©es de ce personnage avec ce que Speroni a dit dans ses autres Ă©crits sur l’art de persuader. Au cours de ses interventions, Brocardo prĂ©cise par la nĂ©gative ce que n’est pas selon lui la rhĂ©torique et ce que doit Ă©viter l’orateur. Il met Ă  la fin ce dernier en garde contre les risques d’une certaine conception de la doctrine de l’imitation. 14 Ora, mentre che noi ridiamo e giuochiamo, o Brocardo, il Cardinale don Ercole col Priuli e col Na ... 15 Le bien parler au profit de l’avoir, des personnes et de l’honneur des mortels » Dialogo della R ... 6DĂšs le dĂ©but du Dialogo della Retorica est Ă©tablie, de maniĂšre indirecte, une nette dĂ©marcation entre la rhĂ©torique et la philosophie. Avant mĂȘme d’entamer la discussion sur l’art de persuader, les interlocuteurs font en effet allusion Ă  un autre dĂ©bat, autour de l’immortalitĂ© de l’ñme, qui se serait dĂ©roulĂ© en mĂȘme temps que le leur chez l’ambassadeur vĂ©nitien Gasparo Contarini14. C’est lĂ  une maniĂšre de nous faire comprendre que Brocardo, Soranzo et Valerio Ă©cartent ce type de discussion spĂ©culative pour aborder un aspect essentiel de la vie civile, en l’occurrence l’art oratoire Il parlar bene », comme le dit Soranzo, a beneficio dell’avere, delle persone, et dell’onor de’ mortali15 ». Les interlocuteurs du Dialogo della Retorica entreprennent donc de dĂ©battre de la rhĂ©torique antique, ou cicĂ©ronienne, malgrĂ© les rĂ©serves de Soranzo sur la possibilitĂ© de continuer Ă  la pratiquer Ă  l’époque moderne. C’est en ce sens, nous semble-t-il, qu’il faut interprĂ©ter ses doutes sur la difficultĂ© d’exercer l’art oratoire antique en toscan. Et nous verrons que cette rĂ©serve mentale de Soranzo est assumĂ©e par Brocardo. 16 Au sujet de la distinction entre rhĂ©torique et philosophie, il est d’usage de rappeler que Speroni ... 7Celui-ci entame la discussion en observant que la spĂ©culation philosophique exige des connaissances et des qualitĂ©s que peu d’esprits possĂšdent, ce qu’en revanche ne requiert pas un dĂ©bat autour de l’art de bien dire, qui peut ĂȘtre le sujet d’une discussion agrĂ©able non moins que savante entre “honnĂȘtes gens” comme le sont les trois interlocuteurs du dialogue de Speroni16. Un autre prĂ©supposĂ© essentiel qui sĂ©pare la philosophie de l’art de persuader concerne, toujours d’aprĂšs Brocardo, leurs finalitĂ©s divergentes la spĂ©culation philosophique prĂ©tend arriver Ă  la vĂ©ritĂ©, tandis que l’orateur se contente de nous communiquer non pas la vĂ©ritĂ© profonde des choses, mais une sorte de vĂ©ritĂ© apparente, telle qu’elle est perçue par la majoritĂ© des personnes. À travers cette maniĂšre de procĂ©der, l’orateur se rapproche du peintre qui, en s’aidant du pinceau comme l’orateur le fait avec la plume, reproduit 17 [
] mon enveloppe extĂ©rieure, qui est sous les yeux de chacun ; de mĂȘme, pour faire un bon discou ... [
] la estrema mia superficie, nota agli occhi di ciascheduno ; similmente a ben orare in ogni materia basta il conoscere un certo non so che della veritĂ , che di continuo ci stĂ  innanzi, si come cosa la quale ne i nostri animi naturalmente di saperla desiderosi, volle imprimer Domenedio17. 18 Le rapport Ă©troit entre peinture et littĂ©rature a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par les thĂ©oriciens entre 1550 et ... 19 L’art de la parole, Ă©crit CicĂ©ron, est Ă  dĂ©couvert, Ă  la portĂ©e, pour ainsi dire, et Ă  la dispos ... 8Deux Ă©lĂ©ments nous frappent dans cette citation. D’une part, le lien Ă©tabli entre l’orateur et le peintre souligne l’importance de la dimension esthĂ©tique du discours oratoire, qui doit possĂ©der une beautĂ© immĂ©diatement perceptible par le spectateur18. De l’autre, l’accent est mis sur l’intĂ©rĂȘt naturel et spontanĂ©, voire innĂ©, des hommes Ă  l’égard de ces simulacres de vĂ©ritĂ© que communique l’orateur et qu’ailleurs Speroni fait coĂŻncider avec l’opinion. Autrement dit, l’orateur, comme le peintre, est celui qui sait dire dans un langage qui plaĂźt des choses susceptibles d’intĂ©resser, sinon tout le monde, du moins le plus grand nombre19. Il n’en va pas de mĂȘme de la spĂ©culation philosophique qui n’intĂ©resse, comme on l’a dit, qu’un nombre restreint de savants. L’orateur a encore sur le philosophe l’avantage que l’apprentissage de son art se fait plus agrĂ©ablement et plus vite que celui de la vĂ©ritĂ© philosophique. Celle-ci ne s’atteint qu’aprĂšs de longues annĂ©es d’études pĂ©nibles nelle scole » dans les Ă©coles », donc Ă  l’écart du commerce humain dont ne pouvait se passer l’auteur du Dialogo della Retorica. 20 Troppo erra chi ha opinione che l suo intelletto [de l’orateur], che non sa nulla, sia uno armar ... 21 CicĂ©ron expose cette conception du savoir de l’orateur dans son dialogue De Oratore, conçu et rĂ©di ... 22 Sur la conscience historique de Speroni, voir Riccardo Scrivano, Cultura e letteratura in Speron ... 9AprĂšs avoir indiquĂ© les diffĂ©rences de nature existant entre la rhĂ©torique et la philosophie, Brocardo prend ses distances par rapport Ă  certains principes et rĂšgles Ă©noncĂ©s par CicĂ©ron dans le De Oratore. Il se dĂ©marque par exemple de l’opinion cicĂ©ronienne d’aprĂšs laquelle le bon orateur devrait possĂ©der le savoir le plus vaste dans les domaines les plus divers puisqu’il est amenĂ© Ă  parler de tout20. Cette conception cicĂ©ronienne rĂ©pugne Ă  Brocardo d’un cĂŽtĂ© pour les raisons dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©es relatives Ă  la diffĂ©rence entre la formation du philosophe et celle de l’orateur, et de l’autre parce que l’idĂ©e Ă©tait nĂ©e d’une polĂ©mique ayant eu lieu Ă  l’époque du rhĂ©teur romain21. La position de Brocardo sur la culture de l’orateur procĂšde donc moins de la critique d’une opinion de CicĂ©ron que de l’affirmation du principe, cher Ă  Speroni, selon lequel, pour fonder leur art de persuader, ses contemporains doivent davantage se conformer aux besoins de leur Ă©poque qu’à l’autoritĂ© de CicĂ©ron22. 10Nous ne pĂ©nĂ©trons au cƓur du dĂ©bat sur la rhĂ©torique que lorsque Soranzo soulĂšve la question dĂ©terminante, qui revient avec insistance aussi dans les trattatelli, de la maniĂšre dont l’orateur doit persuader 23 [
] dites-moi au moins une chose, puisque la tĂąche de l’orateur est de persuader ceux qui l’écout ... [
] ditemi almeno una cosa, cioĂš, che sendo uffitio dell’oratore il persuader gli ascoltanti dilettando, insegnando, et movendo; in qual modo di questi tre, piĂč convenevole all’arte sua con maggior laude di se, rechi ad effetto il suo desiderio23. 24 Il diletto sia la virtĂč dell’oratione onde ella prende la bellezza et la forza a persuader chi l ... 25 Par le discernement de l’auteur, par le consentement et le plaisir de l’auditoire » Dialogo de ... 26 Ibid., note 1. 11Brocardo lui rĂ©pond sans hĂ©siter que c’est en plaisant Ă  son auditoire, c’est-Ă -dire par le diletto », que l’orateur est le plus susceptible de le persuader et de le rallier Ă  sa cause24. Brocardo poursuit en faisant une distinction entre la maniĂšre de persuader des philosophes, qui essayent de convaincre con la causa trattata » par la cause traitĂ©e », c’est-Ă -dire par la soliditĂ© de leur doctrine, et l’orateur qui y parvient con l’arbitrio, col nuto, et col piacere de gli auditori25 ». Le nuto » correspond, comme le souligne Pozzi, Ă  la libre adhĂ©sion, au consentement spontanĂ© des auditeurs au discours de l’orateur26. 27 On lit par exemple au dĂ©but du De Oratore de CicĂ©ron l’éloquence en dĂ©ployant sa force n’a qu’ ... 28 Speroni rapporte que pour Platon la rhĂ©torique Ă©tait une mala arte » puisque lusingando il giu ... 29 Le terme mos, moris est la traduction d’éthos, maniĂšre de se comporter, d’agir, mƓurs bonnes ou m ... 30 RhĂ©torique 1365a On persuade par le caractĂšre, quand le discours est de nature Ă  rendre l’orat ... 12Le diletto » tant prisĂ© par Brocardo, et sur lequel on reviendra, est Ă  opposer non pas au movere » en soi, mais Ă  une maniĂšre malhonnĂȘte de persuader qui fait violence aux Ă©motions de l’auditoire. La question du movere » chez Speroni est Ă  mettre directement en rapport avec CicĂ©ron, auquel Brocardo reproche Ă  plusieurs reprises de lui avoir accordĂ© trop d’importance27. La surĂ©valuation de ce moyen de persuasion est selon lui mauvaise pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il fait perdre de vue le discours oratoire en soi pour se concentrer sur ses effets sur l’auditoire. En second lieu, dans son petit traitĂ© Dell’Arte oratoria, Speroni rappelle que Platon avait condamnĂ© l’art oratoire en raison de l’accent mis sur le movere, qui pour le philosophe grec n’est qu’une maniĂšre de flatter le juge en influençant son jugement28. À travers le movere Speroni attaque, sur la lancĂ©e de Platon, non pas la rhĂ©torique tout court, mais la mauvaise rhĂ©torique, c’est-Ă -dire la sophistique, correspondant au mensonge et Ă  la mauvaise foi. Mais n’y aurait-il pas une autre maniĂšre, acceptable et bonne cette fois-ci, d’agir sur les Ă©motions des hommes ? Speroni, qui dans le Dialogo della Retorica avait insistĂ© sur l’incompatibilitĂ© entre la science du philosophe et l’art du rhĂ©teur, trouve malgrĂ© tout une rĂ©ponse Ă  sa question dans l’Ɠuvre d’un philosophe, c’est-Ă -dire dans la RhĂ©torique d’Aristote, prĂ©cisĂ©ment lĂ  oĂč celui-ci parle des maniĂšres de persuader propres au genre dĂ©monstratif. Speroni observe ainsi dans son trattatello sur l’art oratoire qu’Aristote voit dans le mos la preuve propre au style dĂ©monstratif29. Par mos, le philosophe grec entendait essentiellement le caractĂšre de l’orateur, en voulant dire par lĂ  qu’un orateur honnĂȘte Ă©tait plus apte Ă  gagner la confiance de l’auditoire qu’un autre moins honnĂȘte, pourvu que son discours fĂ»t digne de foi. Autrement dit, Aristote croyait que la bonne rĂ©putation de l’orateur pouvait rendre encore plus persuasif un discours qui l’était dĂ©jĂ  en soi par ses qualitĂ©s morales et stylistiques30. Sous-jacente Ă  la formulation d’Aristote se trouve l’idĂ©e qu’un orateur vertueux ne peut produire qu’un discours vertueux et qu’un discours honnĂȘte ne peut venir que d’un orateur honnĂȘte. Aristote substitue donc Ă  une catĂ©gorie psychologique telle que le movere, qui se fonde sur un choix dĂ©libĂ©rĂ© de sĂ©duire l’auditoire, la catĂ©gorie morale du mos, qui est innĂ©e chez l’orateur et qui par consĂ©quent ne prĂ©voit ni calcul ni effort de sa part. Le philosophe grec n’a jamais dit que le mos Ă©tait une forme de persuasion plus efficace que le movere. Mais Speroni n’hĂ©site pas Ă  accomplir le pas qu’Aristote n’a pas osĂ© franchir Facciamo noi quel che non fa Aristotele » et Ă  dĂ©clarer 31 Del genere demonstrativo, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. V, p. 549 ... [che il mos] sia miglior prova del movimento Ăš cosa nota perchĂ© il mos opera existimatione virtutis, che Ăš cosa bonissima ; ed ha rispetto allo intelletto, e non alli affetti, al quale intelletto mostra che sia da preferir l’onesto e la laude alla vita biasimevole31. 32 Elle ne nous Ă©meut pas, mais nous calme en nous consolant dans nos propres misĂšres » Del genere ... 33 Au penchant des Ă©motions » Dialogo della Retorica, p. 644. 34 De cette maniĂšre dont nous agissons lorsque nous nous efforçons de soulever les choses lourdes et ... 35 En ce qui concerne le mos bisogna che sia invenzione e giudicio dell’orator in quanto orator p ... 13D’aprĂšs Speroni le mos est un meilleur moyen de persuasion que le movere car il fait appel aux facultĂ©s rationnelles de l’homme, plutĂŽt qu’aux Ă©motions. Et la raison pousse spontanĂ©ment l’homme Ă  choisir ce qui est bon pour lui. En revanche une persuasion s’adressant surtout aux passions et aux Ă©motions n’aurait pas les mĂȘmes effets positifs, car nous savons comment sous l’effet aveuglant de la passion et des Ă©motions il est possible de faire des choix contraires Ă  notre bien. Si la persuasion qui fait appel aux ressources Ă©motionnelles de l’homme trouble, bouleverse, excite les passions, la persuasion qui se fonde sur le mos a pour effet contraire et bĂ©nĂ©fique de calmer les esprits, car elle non pur move, ma acqueta, consolandoci nelle nostre miserie proprie32 ». Cette persuasion, loin d’accentuer le penchant de ceux qui Ă©coutent, sait se conformer all’inclinazion dell’affetto » de l’auditoire33. Elle agit sans forcer le public et non pas in quel modo che noi moviamo le cose gravi all’insĂč et le leggere all’ingiĂč »34, Speroni accentue ensuite bien plus qu’Aristote l’idĂ©e que ce type de persuasion par le caractĂšre doit ĂȘtre plutĂŽt une qualitĂ© du discours oratoire que de la personnalitĂ© de l’orateur35. La catĂ©gorie Ă©thique et rationnelle du mos correspond donc Ă  la catĂ©gorie esthĂ©tique du diletto » dont parlait Brocardo dans le Dialogo della Retorica, dans la mesure oĂč elle aussi appartient au discours et n’est aucunement un artifice extĂ©rieur mis en Ɠuvre par l’orateur. 36 AprĂšs avoir constatĂ© que DĂ©mosthĂšne fut plus philosophe » que CicĂ©ron, Speroni observe Non Ăš ... 14De ce que nous venons d’observer peuvent ĂȘtre tirĂ©es quelques conclusions. D’aprĂšs Speroni, la seule persuasion valable est celle qui respecte les dispositions d’ñme du public sans l’exciter, mais Ă  l’inverse en l’apaisant. Cela ne signifie pas pour autant que Speroni dĂ©fende une Ă©loquence elumbe » molle, sans nerf, pour reprendre l’un des qualificatifs qu’il donne Ă  l’art oratoire cicĂ©ronien36. Il affirme au contraire que l’orateur, qui valorise le diletto » et le mos en misant de cette façon sur les caractĂšres du discours et de l’orateur qui font davantage appel Ă  la raison qu’à l’émotion de ceux qui Ă©coutent, peut ĂȘtre plus efficace et mieux apte Ă  enseigner que le philosophe, car comme l’observe Valerio dans le Dialogo della Retorica, 37 [
] trĂšs grande doit ĂȘtre la violence de l’orateur sur nos esprits dĂšs lors qu’il nous persuade Ă  ... [
] grandissima violentia dee esser quella dell’oratore ne’ nostri animi qual’hora a ben fare ne persuade ; cosa optando con le parole in una hora, che in molti anni virtuosamente vivendo, a gran pena suole acquistarsi il filosofo37. 38 Un art adaptĂ© Ă  la civilitĂ© et Ă  la libertĂ© publique » Dialogo della Retorica, p. 647. 15Si la rhĂ©torique a effectivement ce pouvoir, elle est arte conveniente alla civiltĂ  della vita e alla pubblica libertĂ 38» . Speroni, Ă  la diffĂ©rence d’Érasme qui, parlant d’un point de vue Ă©vangĂ©lique et spirituel, avait soulignĂ© l’inutilitĂ©, voire la nocivitĂ© de la rhĂ©torique cicĂ©ronienne, souligne au contraire la nature positive et pour ainsi dire laĂŻque de la rhĂ©torique qui persuade par des moyens Ă©minemment rationnels et dont la sphĂšre d’action est la vie civile. 39 Speroni critique l’opinion de CicĂ©ron d’aprĂšs lequel il faut elegger un grande al quale si facci ... 16L’autre question importante dĂ©battue dans le Dialogo della Retorica, dans certains des trattatelli sur l’art oratoire et en partie aussi dans le Dialogo delle Lingue concerne l’imitation. La cible de l’ironie de Speroni, relayĂ©e par Brocardo dans le dialogue sur la rhĂ©torique, devient en prioritĂ© Bembo mĂȘme s’il n’est pas explicitement nommĂ©. Speroni critique Bembo dans la mesure oĂč ce dernier reprend la recommandation que CicĂ©ron avait adressĂ©e aux aspirants orateurs et poĂštes de choisir un unique et seul grand auteur comme modĂšle pour parfaire leur style et ensuite de le suivre avec constance et conviction39. L’imitation d’un unique modĂšle, fĂ»t-il excellent, telle que la conseille Bembo sur la lancĂ©e de CicĂ©ron, risque de dĂ©boucher sur une rhĂ©torique froide, sans Ăąme et, dirions-nous, sans originalitĂ© ou inventio, pour reprendre la terminologie de Speroni 40 Les mots doivent ĂȘtre semblables aux idĂ©es de l’esprit, dont ils expriment le sens [
] Si nous vo ... Le parole deono esser simili alli concetti dell’animo, delli quali esse sono significatrici [
] Adunque se volemo che la nostra orazione sia simile, ed imiti la orazione di un altro, bisogna che l nostro intelletto prima si faccia simile all’intelletto di quello, e le cose, ovver concetti miei alli concetti di quello40. 41 Il est certain que celui qui s’exprime seulement comme Bembo n’a ni art ni intelligence. Il ignor ... 42 Il adapterait ses mots Ă  ses idĂ©es, non pas Ă  celles d’autrui [
]. L’invention est donc la chose ... 43 Voyez maintenant combien je suis tombĂ© bas et dans quelle Ă©troite prison et avec quels liens je m ... 44 Les imitateurs ne sont rien. Il ne faut pas imiter les bons auteurs en parlant comme eux sur tous ... 17MalgrĂ© la prĂ©sence, surtout dans les trattatelli, restĂ©s inĂ©dits, de quelques allusions directes Ă  Bembo, Speroni ou ses personnages visent toutefois moins le talentueux Bembo que ses imitateurs mĂ©diocres et sans esprit E certo chi imita solo come il Bembo, costui non ha arte nĂ© intelligenzia. Non ha arte del dire, ma scrive ad imitazione d’alcuno41 ». Speroni n’entend pas pour autant nier l’utilitĂ© du principe d’imitation, ni la valeur des propositions esthĂ©tiques et linguistiques de Bembo, mais plutĂŽt signaler le danger de suivre des rĂšgles et des prĂ©ceptes stylistiques imposĂ©s de l’extĂ©rieur, alors que ceux-ci devraient naĂźtre de l’expĂ©rience littĂ©raire concrĂšte de chaque auteur. L’imitateur non seulement n’est ni poĂšte ni orateur, mais il n’a pas mĂȘme l’intelligence des choses, car s’il les comprenait, egli accomodarebbe le parole sue alli suoi concetti, non alli altrui [
]. Adunque la invenzione Ăš la principal cosa, la qual chi fa bene, parla bene e costui principalmente dee accomodar le parole alla sua invenzione42 ». Dans le Dialogo della Retorica, la condamnation de l’imitation servile est prĂ©sentĂ©e comme rĂ©sultant de la mauvaise expĂ©rience qu’en a faite Brocardo. Celui-ci, qui fut disciple de Bembo avant de se dĂ©tourner de ses prĂ©ceptes et de son enseignement, raconte avoir perdu les meilleures annĂ©es de sa vie en essayant d’assimiler les mots et les tournures syntaxiques et stylistiques de PĂ©trarque et de Boccace, avec des rĂ©sultats trĂšs dĂ©cevants. En effet, Ă  la fin de son rĂ©cit il commente, non sans ironie quand on connaĂźt ses prĂ©cĂ©dents Vedete voi oggimai a qual bassezza discesi e in che stretta prigione e con che lacci m’incatenai43» . Loin de constituer une aide, l’imitation servile devient, selon les mots de Speroni dans le traitĂ© Dell’arte oratoria, une entrave sĂ©rieuse pour l’aspirant orateur ou poĂšte Gli imitatori non sono nulla. I buoni autori non vanno imitati che in ogni materia parliamo a lor modo, o che non parliamo se non di quello che essi parlano44 ». 45 En n’étant pas ineptes, mais en Ă©tant prudents, clairs et en expliquant bien nos idĂ©es » Dell’ar ... 18La seule forme d’imitation concevable pour l’auteur des Dialogi est celle qui consiste Ă  imiter les grands auteurs in non essere inetti, ma prudenti, chiari, ed esplicar bene li nostri concetti45 ». Cette thĂšse est davantage dĂ©veloppĂ©e dans le fragment qui nous reste du Dialogo sopra Virgilio, oĂč des interlocuteurs qui ne sont identifiĂ©s que par les lettres de l’alphabet A et B discutent autour des dettes de Virgile Ă  l’égard d’HomĂšre. Le dialogue Ă©tant inachevĂ©, on n’y trouve pas de dĂ©veloppement abouti, mais on y lit quand mĂȘme un Ă©loge de Virgile qui n’a pas servilement copiĂ© HomĂšre et qui s’est plutĂŽt inspirĂ© de l’Ɠuvre du poĂšte grec pour construire son propre style personnel 46 Dialogo sopra Virgilio Fragmento, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. II ... Ed io vi dico, che se egli Ăš il vero che lo imitare sia somigliare, il dir che Omero sia da Virgilio imitato Ăš una estrema bugia perchĂ© Virgilio da ciascuno altro poeta Ăš sanza modo diverso, e sol se stesso assomiglia. NĂš il dir Virgilio una e piĂč cose, che prima Omero dicesse, fa Virgilio suo imitatore siccome ancora il considerarsi in piĂč scienzie una istessa cosa, non fa lor simili. Basti che la maniera del dirle non Ăš omerica, ma sola Ăš propria virgiliana46. 47 Pietro Bembo, Prose della volgar lingua Introduzione e note di Carlo Dionisotti, Turin, UTET, 19 ... 48 Dans les Dialoghi piacevoli de NicolĂČ Franco on lit par exemple que celui qui veut imiter PĂ©trarqu ... 49 R. Scrivano, Cultura e letteratura
 », art. citĂ©, p. 38. 19Ces considĂ©rations de Speroni sur les dettes de Virgile Ă  l’égard d’HomĂšre ne contredisent pas certaines observations de Bembo dans sa lettre De imitatione adressĂ©e Ă  Giovan Francesco Pico. Bembo y distingue nettement entre l’imitation stylistique et l’imitation du contenu. La premiĂšre ne saurait ĂȘtre Ă©clectique, alors que la seconde est libre d’aller chercher des Ă©lĂ©ments dans les Ɠuvres les plus diverses47. En dĂ©fendant la libertĂ© de Virgile de s’inspirer de l’Ɠuvre d’HomĂšre, Speroni ne fait que s’aligner sur ce qu’a dit l’auteur des Prose au sujet de l’imitation du contenu. Il s’en dĂ©tache toutefois lorsqu’il insiste sur l’individualitĂ© du style de Virgile. Par son insistance sur l’unicitĂ© du style de Virgile, Speroni paraĂźt rejoindre son contemporain NicolĂČ Franco. Dans les Dialoghi piacevoli, ce dernier recommande en effet Ă  l’apprenti poĂšte de ne pas perdre son Ăąme en s’efforçant de modeler son style sur celui d’un grand auteur, et il conseille au contraire de pratiquer une Ă©mulation saine et critique en essayant de faire aussi bien, Ă  sa façon, que son illustre modĂšle48. L’attitude ambivalente de Speroni Ă  l’égard de la doctrine esthĂ©tique de Bembo constitue un exemple probant de la tendance de notre auteur Ă  intĂ©grer des positions esthĂ©tiques contradictoires Ă  l’intĂ©rieur d’un mĂȘme discours. Elle est rĂ©vĂ©latrice de la subtilitĂ©, soulignĂ©e par Riccardo Scrivano, dont l’auteur des Dialogi a besoin pour tirer, de positions opposĂ©es, des solutions moyennes capables de satisfaire Ă  des exigences diverses49 ». 50 Qui direi che questo vizio dello imitare Ăš venuto al mondo con lo studio delle lingue, specialmen ... 51 Dell’arte oratoria, p. 542. 52 Sur l’attitude critique de Speroni face Ă  la tradition humaniste, voir Francesco Bruni, Sperone ... 20L’hostilitĂ© de Speroni Ă  l’égard de l’imitation servile vise particuliĂšrement ce qu’on pourrait qualifier d’imitation linguistique, dans laquelle il voit la source mĂȘme du processus imitatif50. Dans ce dernier type d’imitation, Speroni stigmatise le temps excessif qu’à son sens les hommes de lettres de son Ă©poque accordent Ă  l’apprentissage des langues anciennes. Consacrant une trop grande partie de leur Ă©nergie intellectuelle Ă  l’assimilation et Ă  la pratique de langues mortes, ils perdent de vue ce qui est essentiel au progrĂšs de la pensĂ©e et des arts, c’est-Ă -dire les idĂ©es, et ainsi ils ne sont perfetti » en aucun art ni langue51. Speroni critique ici une certaine pĂ©dagogie humaniste plus soucieuse des formes que de la substance du savoir52. Il laisse en mĂȘme temps planer le doute selon lequel l’attachement Ă  la tradition est davantage une maniĂšre de dĂ©fendre une position de pouvoir et des privilĂšges acquis par les tenants de l’érudition humaniste que l’effet d’un rĂ©el souci de protĂ©ger et de faire progresser la culture antique. En fait, la cible rĂ©elle de Speroni dans cette critique de l’imitation est le sentiment d’infĂ©rioritĂ© que les Modernes continuent Ă  Ă©prouver Ă  l’égard des Anciens. Pour l’auteur des Dialogi, ce complexe d’infĂ©rioritĂ© correspond Ă  un manque de courage et Ă  une forme de paresse intellectuelle. Ses contemporains prĂ©fĂšrent se cantonner Ă  l’imitation de modĂšles prestigieux, sous le prĂ©texte qu’ils ne pourraient pas faire mieux, et se plaindre de l’état insatisfaisant des progrĂšs du savoir plutĂŽt que d’essayer d’emprunter le chemin, certes pĂ©rilleux, du neuf et de l’inconnu 53 Et tout naĂźt d’une lĂąche peur des modernes, laquelle les porte Ă  croire qu’ils ne sont rien par e ... E tutto nasce da un vil timor de’ moderni, che fa lor credere che nulla siano per se medesimi, nĂš che esser possano alcuna cosa in qual si voglia scienzia, se non quanto son simiglianti agli antichi, e pajon loro, come loro ombre e questa Ăš sola la loro gloria e felicitĂ 53. 54 Dialogo delle Lingue, in Sperone Speroni, Dialogue des Langues, ouvr. citĂ©, p. 15-16. 55 Les interlocuteurs du Dialogo delle Lingue sont Bembo, un Cortigiano, tenant de l’homonyme concept ... 56 D’abord blĂąmĂ© et crucifiĂ© par certains hypocrites, il est maintenant adorĂ© et honorĂ© comme le Chr ... 21Cela dit, Speroni ne condamne pas le bien fondĂ© de l’apprentissage du latin et du grec, comme on peut le voir dans le Dialogo delle Lingue oĂč il prĂȘte Ă  Lazzaro Bonamico, illustre professeur de latin et de grec au Studio de Padoue, des arguments culturellement et politiquement valables au service des langues qu’il enseigne54. Toutefois il fait prononcer Ă  Peretto, c’est-Ă -dire au philosophe Pietro Pomponazzi, les louanges de la traduction55. GrĂące Ă  l’existence de traductions d’Ɠuvres antiques, le savant, notamment le philosophe, aura plus de loisir Ă  consacrer Ă  l’approfondissement de la pensĂ©e de grands philosophes du passĂ©, fondement du progrĂšs des connaissances humaines. Peretto termine son plaidoyer pour la traduction sur une comparaison marquante, oĂč le traducteur des philosophes est comparĂ© au Christ primieramente biasimato e crucifisso d’alcuni ippocriti, ora alla fine da chi l conosce come Iddio e Salvator nostro si riverisce e si adora56 ». 57 Dialogo delle Lingue, p. 31. 58 Pour ce qui suit, voir notamment Mario Pozzi, Speroni e il genere epidittico », in Sperone Spero ... 22Mais en quoi l’éloge des mĂ©rites de la traduction prononcĂ© par Peretto rejoint-il la critique de l’imitation chez Speroni ? Ce lien est pertinent dans la mesure oĂč il peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une invitation tacite Ă  ne pas se laisser distraire par des questions formelles le parfait apprentissage d’une langue ancienne ou du vocabulaire de PĂ©trarque qui font perdre de vue l’essence des choses. On sent l’ironie de Speroni percer derriĂšre l’indignation du savant grec Janus Lascaris, scandalisĂ© en apprenant que Peretto lit en traduction latine non pas Aristote, mais l’un de ses commentateurs grecs57. L’ignorance du grec et l’imparfaite connaissance du latin n’ont pas empĂȘchĂ© Pomponazzi, comme le souligne un autre interlocuteur du Dialogo delle Lingue, non seulement de bien comprendre la philosophie antique, mais aussi de libĂ©rer la pensĂ©e de certaines fausses croyances qui entravaient son avancement. De mĂȘme, le poĂšte ou l’orateur qui veut rĂ©ussir son Ɠuvre et contribuer au progrĂšs de son art doit dĂ©laisser l’imitation stĂ©rile et chercher en lui-mĂȘme les ressources stylistiques et morales propres Ă  l’épanouissement de sa veine. Speroni a beau dire que la rhĂ©torique n’a pas maille Ă  partir avec la philosophie, sa critique Ă  l’encontre des dĂ©fauts de la culture de son temps est nourrie de l’esprit critique du rationalisme et du matĂ©rialisme aristotĂ©licien dont Pomponazzi fut l’un des interprĂštes les plus aigus. Cela est particuliĂšrement Ă©vident dans les trattatelli. Dans ces Ă©bauches, simples notes prĂ©paratoires ou excroissances textuelles non destinĂ©es Ă  la publication, le Padouan n’hĂ©site pas Ă  analyser de longs extraits de Platon et d’Aristote, ce qu’il n’aurait pas osĂ© faire dans les dialogues oĂč les idĂ©es sont vĂ©hiculĂ©es sous la forme nonchalante de la conversation mondaine. Cet intĂ©rĂȘt pour les idĂ©es et les doctrines philosophiques qui ressort du regard que Speroni porte sur la rhĂ©torique et la thĂ©orie littĂ©raire de son temps ne signifie toutefois pas qu’il ne rĂ©flĂ©chisse pas sur les fondements esthĂ©tiques de l’art de bien dire, comme on va maintenant le voir58. De l’excellence du genre dĂ©monstratif 23AprĂšs avoir expliquĂ© que la rhĂ©torique n’avait rien Ă  voir avec la philosophie et qu’elle devait s’émanciper de la sujĂ©tion Ă  l’autoritĂ© de l’antiquitĂ©, l’auteur des Dialogi prĂ©cise ce qu’est pour lui l’art oratoire, en en dĂ©finissant la nature, les fins et l’esthĂ©tique. 24Speroni parvient Ă  sa dĂ©finition de la rhĂ©torique par un parcours trĂšs tortueux que l’exĂ©gĂšte a parfois beaucoup de mal Ă  suivre, mais pour bien comprendre ses idĂ©es il est indispensable de suivre les voies qu’emprunte sa rĂ©flexion en en recherchant les traces dans les diffĂ©rentes Ɠuvres qui composent notre corpus. Ainsi n’est-il pas rare de se heurter Ă  des affirmations dĂ©concertantes qui sembleraient infirmer tout ce qu’on pensait avoir compris, comme dans ce qui suit 59 J’entends prouver que la rhĂ©torique, dĂ©finie par Platon subtilitĂ© et astuce, et non pas procĂ©dĂ© r ... Intendo di provare che la rettorica, la quale da Platone Ăš detta sagacitĂ  ed astuzia, non artificio razionale, quella che Ăš detta adulazione turpe e vile [
], sia artificio nobilissimo sopra tutti gli altri59. 25Par cette Ă©tonnante formulation, Speroni pencherait-il pour une Ă©loquence purement dĂ©corative oĂč la forme primerait sur les contenus ? Certainement pas. Il entend simplement prĂ©ciser que l’art oratoire qui l’intĂ©resse est celui des anciens, c’est-Ă -dire l’art de bien parler pour bien persuader et non pas la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale fondĂ©e sur le syllogisme et les preuves et donc trĂšs proche du raisonnement philosophique. Ce type d’éloquence est reprĂ©sentĂ© par la cause dĂ©monstrative. Rappelons que la rhĂ©torique comporte trois genres ou causes. Le genre judiciaire correspond au plaidoyer de l’avocat, le genre dĂ©libĂ©ratif au discours de l’homme politique et le genre dĂ©monstratif ou Ă©pidictique Ă  l’éloge. En quoi consiste, pour Speroni, la supĂ©rioritĂ© de la cause dĂ©monstrative sur les deux autres ? Dans les causes judiciaire et dĂ©libĂ©rative, la persuasion dĂ©pend davantage de l’habiletĂ© de l’orateur Ă  convaincre que de la substance de son discours. Cette spĂ©cificitĂ© repose sur le fait qu’en ces deux causes le discours n’est pas neutre, mais vise Ă  atteindre un rĂ©sultat qui n’est pas toujours acceptable, tant sur le plan de la morale que sur celui de la vĂ©ritĂ©. Si l’avocat peut plaider pour l’acquittement d’un coupable et l’homme politique tenter de prĂ©senter comme bonne une cause qui ne l’est pas, en revanche il n’y a pas de cause 60 [Il n’y a pas de cause] plus Ă©lĂ©gante dans l’expression, ni plus utile aux rĂ©publiques que la cau ... piĂč ornata nel dire, nĂ© piĂč utile alle republiche di questa mia dimostrativa i cui precetti hanno virtĂč non solamente di farne buoni oratori, ma a dover vivere honestamente con bella arte ne exhortano; il che di quelli delle altre due non aviene; con esse quali spesse fiate guerre ingiuste persuademo, et vendicando le nostre ingiurie, hor gli innocenti offendiamo, hor difendiamo i nocenti60. 26Si dans les genres judiciaire et dĂ©libĂ©ratif se crĂ©e une fracture entre le but visĂ© et la conviction de l’orateur, entre ce que l’orateur poursuit et le vrai, cela ne se produit pas avec la cause dĂ©monstrative qui est une forme d’éloquence Ă  l’état pur, valable par sa nature intrinsĂšque puisqu’elle reprĂ©sente la seule forme d’éloquence complĂštement dĂ©sintĂ©ressĂ©e, visant le diletto », c’est-Ă -dire Ă  persuader en faisant plaisir Ă  ceux qui Ă©coutent 61 Nous nous efforçons donc en vain d’enseigner et d’émouvoir sans plaire ; et en ne cherchant qu’à ... Indarno adunque d’insegnare, et di movere non dilettando ci fatichiamo; et dilettando senza altro quanta Ăš la forza del compiacere siamo possenti di persuader gli ascoltanti, riportando la disiata vittoria non per forza, ne quasi per merito di ragione, ma come grazia a noi fatta da gli ascoltanti, per quel diletto, che nelle menti di quelli suol partorire la oratione ben composta, et ben recitata61. 27Le style Ă©pidictique est donc indĂ©pendant de la personne de l’orateur ; si le discours est Ă©lĂ©gant et bien construit, il atteint son but persuasif mĂȘme s’il est pratiquĂ© par un mauvais interprĂšte. Et s’il n’arrive jamais qu’un bon orateur parvienne Ă  rendre bon un discours qui ne l’est pas au dĂ©part, il n’est pas rare qu’un mĂ©diocre orateur trouve le souffle qui lui manque dans une harangue bien agencĂ©e 62 Je suis fermement convaincu que dans les causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires la nature de l’orate ... Ho fermissima oppenione che nelle cause deliberative e giudiciali molto piĂč opri la natura dell’oratore e della materia che non fa l’arte oratoria; il contrario Ăš della causa demonstrativa, nella quale leggendo non Ăš men bella l’orazione che recitando; perĂČ veggiamo mediocri oratori bene informati delle civili materie, e aiutati dall’azzione e dalla memoria, in senato, et in giuditio soler parlare assai bene; che in tai casi, dalle cose trattate nascono in noi le parole; le quali concordate con li concetti dell’animo, ne riesce quella harmonia che fĂ  stupir chi l’ascolta62. 63 Quindi nacque il costume nella Republica atheniese, publicamente ogni anno quei cittadini lodare, ... 28Dans ce mĂȘme Dialogo della Retorica, Brocardo rappelle que le genre dĂ©monstratif Ă©tait en grand honneur dans la RĂ©publique d’AthĂšnes oĂč il Ă©tait pratiquĂ© pour cĂ©lĂ©brer l’éloge funĂšbre des citoyens qui s’étaient sacrifiĂ©s pour la patrie63. Ce type de louange non seulement consolait les familles, confĂ©rant une dimension publique Ă  leur douleur et reconnaissant la valeur civique du sacrifice de leurs proches, mais offrait Ă©galement aux citoyens de nobles exemples de courage. La notion d’exemple et d’enseignement n’est pas une exclusivitĂ© du genre Ă©pidictique, car elle se trouve Ă©galement dans les deux autres causes. Mais si ces derniĂšres font surtout appel Ă  l’émotion qui vise Ă  une persuasion immĂ©diate, la cause Ă©pidictique poursuit un tout autre type de persuasion. En effet, par les exemples de courage qu’elle fournit, elle ne fait pas appel aux Ă©motions le movere, mais plutĂŽt Ă  l’intelligence raisonnable. Elle ne poursuit donc pas une persuasion instantanĂ©e, mais les dĂ©cisions qu’elle suscite dans l’esprit de l’auditoire sont le fruit d’une rĂ©flexion longuement mĂ»rie dont les effets peuvent se voir bien longtemps aprĂšs la prononciation du discours de louange. La cause dĂ©monstrative ainsi suscite 64 [La cause dĂ©monstrative suscite] un troisiĂšme type d’émotion [
] plus noble que celui des passion ... una terza maniera di movimento [
] piĂč nobile, che non Ăš quel degli affetti; ed Ăš lo indurre a persuader gli ascoltanti a morir per la patria; e non morir allora allora, come persona tratta for di se stessa da qualche empito furioso; ma di lĂ  a un mese, e ad uno anno segno ciĂČ esser moto della ragione, non degli affetti; la qual chiamo mossa e non persuasa, considerando l’efficacia della ragione, che a ciĂČ l’induce64. 29PoussĂ© par l’enthousiasme, Speroni exagĂšre les bienfaits de l’éloquence dĂ©monstrative en perdant de vue le rĂ©alisme et la rigueur rationnelle qui sont gĂ©nĂ©ralement Ă  la base de son illustration de la bonne rhĂ©torique. Se laisserait-il donc lui aussi prendre au piĂšge de cette fausse Ă©loquence qu’il a en horreur ? L’enthousiasme de l’auteur des Dialogi vise seulement Ă  convaincre son public de la supĂ©rioritĂ© de la cause dĂ©monstrative en raison de son autonomie par rapport Ă  des variables qu’on peut qualifier d’extra-discursives. 30Étant donnĂ© ces prĂ©misses, on ne peut que tomber d’accord avec Brocardo, le principal interlocuteur du Dialogo della Retorica, lorsqu’il prĂ©cise que l’élĂ©ment fondateur de la persuasion dans la cause Ă©pidictique n’est ni l’inventio ni la dispositio mais l’elocutio, en somme tout ce qui contribue Ă  rendre le discours beau et Ă©lĂ©gant, autrement dit Ă  susciter chez les auditeurs ce plaisir qui est la fin du genre dĂ©monstratif. Des cinq parties de l’éloquence, invention, disposition, Ă©locution, action et mĂ©moire, 65 [
] l’élocution est sans aucun doute la partie principale, presque son cƓur, et je ne croirais pa ... [
] senza alcun dubio la elocuzione Ăš la prima parte, quasi suo cuore, e se anima la chiamassi non crederei di mentire; dalla quale, non che altro, il nome proprio della eloquenzia, come vivo da vita vien derivando. E per certo la invenzione e disposizione sono parti che alle cose pertengono, le quali, ritrovate nelle scienzie va ordinando la orazione; ma la terza, per quel che suona il vocabolo, Ăš propria parte delle parole, le quali non a caso ma con giudicio eleggiamo, e elette leghiamo65. 66 Ma la retorica e la poesia sono artificii delle voci degli uomini, non come gravi e acute ma prop ... 31Si Brocardo insiste sur la forme, ce n’est Ă©videmment pas pour la dissocier du fond du discours oratoire, mais au contraire pour prĂ©ciser le type de rapport qui, selon lui, doit exister entre ces deux aspects qui ne peuvent que progresser ensemble. La clĂ© de son dĂ©veloppement sur l’esthĂ©tique du discours Ă©pidictique repose sur la notion de numero, c’est-Ă -dire de rythme, concept qu’il emprunte Ă  la musique et Ă  la poĂ©sie et qu’il applique Ă  la prose, instrument expressif de l’orateur66. Dans l’esprit de Speroni, l’idĂ©e de numero suggĂšre plus prĂ©cisĂ©ment l’harmonie profonde et parfaite qui doit exister entre le fond et la forme du discours, mais Ă©galement entre les idĂ©es et l’ordre des mots qui les expriment, ordre qui reflĂšte Ă  son tour celui oĂč les idĂ©es se prĂ©sentent Ă  l’esprit de l’orateur 67 La tĂąche de l’orateur n’est donc pas de dire seulement des mots qui rĂ©sonnent bien, mais qui soie ... Adunque egli Ăš officio dell’oratore dir parole non solamente ben risonanti ma intelligibili e a’ concetti significati corrispondenti; perchĂ© sĂŹ come nei ritratti di Tiziano, oltra il disegno, la simiglianza consideriamo e, sendo tali sĂŹ come son veramente che i loro essempi pienamente ci rappresentino, opra perfetta e di lui degna gli estimiamo; cosĂŹ ancora nella orazione con la testura delle parole, con i loro numeri e con la loro concinnitĂ , le intenzioni significate paragoniamo, procurando che le parole pronunziate si pareggino alle sentenzie e con quello ordine le significhino che l’ha notate la mente67. 68 Pour cette raison, si les concepts sont sĂ©rieux, les mots qui leur correspondent doivent ĂȘtre com ... 32Cette insistance sur l’harmonie qui doit exister entre les concepts, le rythme, voire la texture syllabique des mots qui les vĂ©hiculent Per la qual cosa, se i concetti son gravi, le parole a dover loro rispondere deono farsi di sillabe che la lingua peni alquanto nel proferirle68 », correspond Ă  une plus noble prĂ©occupation de vĂ©ritĂ©, ou si l’on prĂ©fĂšre de sincĂ©ritĂ©. En effet, si l’orateur, n’étant pas philosophe, n’a pas accĂšs Ă  la catĂ©gorie absolue du vrai, il peut dire vrai, c’est-Ă -dire ĂȘtre sincĂšre et nous persuader en nous donnant une opinion, la sienne, en laquelle il croit vraiment. Et la preuve que l’orateur ne ment pas est interne Ă  son discours et tient Ă  la consonance harmonieuse qu’il a rĂ©ussi Ă  Ă©tablir entre le fond et la forme. C’est par ce biais que d’un cĂŽtĂ© est Ă©vitĂ© le piĂšge de l’éloquence mensongĂšre et que de l’autre l’opinion de l’orateur devient quelque chose de valable mĂȘme si elle ne prĂ©tend pas Ă  l’absolu de la vĂ©ritĂ© et ne demeure qu’une image du vrai. 33Un autre artifice stylistique essentiel de la cause dĂ©monstrative est l’amplificatio qui dans la perspective de notre auteur n’a Ă©videmment rien Ă  voir avec la boursouflure. Pour l’orateur, amplifier ne signifie pas agrandir dĂ©mesurĂ©ment et sans discernement, mais plutĂŽt donner du relief Ă  ce qu’il croit ĂȘtre important dans ce qu’il dit pour y attirer l’attention du public. En cela, l’orateur se distingue rĂ©solument de l’historien qui se borne Ă  aligner les faits l’un aprĂšs l’autre sans les hiĂ©rarchiser. Si par exemple l’orateur veut mettre en valeur un personnage qui a un rĂŽle secondaire dans un rĂ©cit, et qui en revanche en joue un capital aux fins de sa dĂ©monstration, il prendra ce personnage Ă  peine Ă©bauchĂ© 69 Et il l’étoffera, le mettra en lumiĂšre et le caractĂ©risera, ne parlant que de lui seul et pour lu ... Ed estenderĂ , ed illuminerĂ , e distinguerĂ , di lui solo, e per se solo trattando, e minutamente da ogni parte ravvolgendolo, e considerandolo, e quasi panno o seta paragonandolo ad alcuno altro e ciĂČ facendo, amplificherĂ  lui, e le cose sue, o aggiungendo dalle cose dette dall’istorico, o le dette snodando, ordinando, separandole dall’altre, ed illuminandole il che far non intende l’istorico, nĂ© dovea intenderlo69. 34Par sa notion d’amplificatio, Speroni rejoint la distinction qu’établit Aristote entre l’historien, qui rapporte le vrai, et le poĂšte qui modifie le vrai au profit d’une vĂ©ritĂ© plus haute et universelle qui est celle de l’art. 70 [Gli Spartani] alli quali era in odio, o parea essere odiosa l’arte del dire, erano in tanto di l ... 71 Del genere demonstrativo, p. 547. 35Pour donner encore plus de poids Ă  son illustration du bien fondĂ© de la cause dĂ©monstrative, l’auteur des Dialogi rappelle que les Spartiates eux-mĂȘmes, si peu enclins aux sentimentalismes et aux ornements du discours, cultivaient et apprĂ©ciaient l’éloge la laude. Ils eurent toutefois Ă  ses yeux le tort majeur de cultiver une forme d’éloge simple, autrement dit avec un minimum, voire sans aucun souci esthĂ©tique70. Cet Ă©loge fait sur un ton et un registre ordinaires n’a pas l’approbation de Speroni, car en ne se dĂ©marquant pas ou trop peu de la conversation courante, il ne parvient pas Ă  s’imprimer dans les mĂ©moires. Et pour montrer que l’organisation esthĂ©tique du discours n’est pas seulement un problĂšme formel mais touche bel et bien Ă  sa substance, il trouve des comparaisons simples, mais efficaces. Celui qui voudrait se faire faire un portrait ou bien une statue par un artiste chercherait tout d’abord del miglior maestro che si potesse trovare » le meilleur maĂźtre qu’il pourrait trouver », et ne se ferait pas reproduire tel qu’il est dans sa modeste rĂ©alitĂ©, mais piĂč grande71 ». Nous voyons encore revenir ce leitmotiv de Speroni axĂ© sur l’analogie entre la cause dĂ©monstrative et l’art, plus prĂ©cisĂ©ment les arts figuratifs et plastiques. Comme la peinture, l’art oratoire ne reproduit pas le vrai, mais en donne une image idĂ©alisĂ©e, filtrĂ©e par le regard et la sensibilitĂ© de l’auteur. 36Une fois dĂ©finie la nature et les caractĂ©ristiques de l’éloquence dĂ©monstrative, il nous reste encore Ă  dĂ©gager la fonction et la place prĂ©cises que Speroni lui attribue au sein de la sociĂ©tĂ©. Si les causes dĂ©libĂ©rative et judiciaire ont des fonctions sociales bien identifiables, peut-on dire la mĂȘme chose du genre Ă©pidictique ? Nous connaissons tout le cas que Speroni, qui a choisi le dialogue comme forme expressive et qui a renoncĂ© Ă  la spĂ©culation solitaire, fait de la vie sociale. Pour lui le discours, notamment celui qui a une forme artistique, est Ă  la base de la vie en sociĂ©tĂ© ; il est le reflet du respect que l’on doit Ă  soi-mĂȘme et aux autres et constitue en mĂȘme temps la meilleure garantie de la comprĂ©hension, voire de la paix entre les hommes. VoilĂ  pourquoi ce discours doit ĂȘtre ornĂ© 72 [
] pourquoi lorsque nous nous exprimons ne devons-nous pas parler civilement avec le respect dĂ» ... [
] perchĂ© parlando non si de’parlar civilmente con riverenzia verso chi ode e con ornamento delle parole e de’ gesti ? [
]. Se ci vengono forestieri in casa, noi copriamo li muri ed il suolo di razzi e tapeti; e non copriremo le nostre naturali parole di belli ornamenti parlando al principe72 ? 37L’allusion finale au prince est l’une des rares mentions directes du politique dans les Ă©crits de Speroni consacrĂ©s Ă  la rhĂ©torique. Elle mĂ©rite donc qu’on s’y arrĂȘte. Dans le Dialogo della Retorica, Brocardo dit qu’à son avis la cause dĂ©monstrative est la seule qui permette Ă  un obscur orateur de se faire connaĂźtre et de parvenir Ă  se faire une place dans la sociĂ©tĂ© 73 Imaginons un homme honnĂȘte plein d’éloquence et d’intelligence, qui sorti de sa patrie seul et nu ... Sia al mondo un buono uomo pien d’eloquenza e d’ingegno, il quale uscito dalla sua patria, solo e nudo quasi un altro Biante venga a starsi in Bologna, che farĂ  egli dell’arte sua? Se egli accusa o defende, ecco un vile avvocato che vende al vulgo le sue parole; se delibera, non sendo parte della republica, i suoi consigli non sono uditi. TacerĂ  egli e fia sua vita ociosa? Non veramente, ma di continuo con la sua penna nella causa demonstrativa, biasimando e lodando, la sua eloquenzia essercitarĂ ; la qual cosa non per odio o per premio ma per dir vero facendo, in poco tempo non solamente da’ pari suoi ma da’ signori e da’ regi sarĂ  temuto e stimato73. 38Le cƓur de la pensĂ©e de Brocardo se trouve dans les deux gĂ©rondifs biasimando et lodando qui renvoient Ă  une parole active et indĂ©pendante sachant autant prononcer des Ă©loges que profĂ©rer des condamnations, si nĂ©cessaire. Brocardo propose ici son portrait idĂ©al de l’homme de lettres et fixe en mĂȘme temps pour la littĂ©rature des objectifs qui ne sont pas forcĂ©ment ceux de l’auteur des Dialogi. 74 Or questo vostro eloquente se non m’inganna la simiglianza Ăš il ritratto dell’Aretino » Dialog ... 39L’homme de lettres idĂ©al selon Brocardo correspond Ă  un individu qui ne s’isole pas des problĂšmes de son temps et qui met sa plume au service de la sociĂ©tĂ©, tout en gardant une autonomie de jugement et d’inspiration. Et ce n’est pas un hasard si Ă  ce point du dialogue, Soranzo prononce le nom de l’ArĂ©tin, celui dont la plume agressive et mordante savait faire peur aux puissants74. Plus qu’un Ă©loge de l’ArĂ©tin, dont la personnalitĂ© et l’esthĂ©tique Ă©taient trĂšs Ă©loignĂ©es de celles de Speroni, il faut voir dans la mention directe du flĂ©au des princes un exemple d’homme de lettres qui avait su utiliser sa culture et sa verve discursive pour critiquer l’existant et exercer une pression sur le pouvoir en place. C’était lĂ  une maniĂšre de montrer aux puissants que l’homme de lettres, loin d’ĂȘtre un courtisan apprivoisĂ© cultivant un art purement dĂ©coratif, avait un rĂŽle important Ă  jouer en tant que conseiller des puissants et donc qu’il possĂ©dait une utilitĂ© sociale et politique certaine. Loin d’ĂȘtre un ornement des cours, la littĂ©rature pouvait ĂȘtre proche de la politique et donc de l’action. 75 Carlo Dionisotti, La letteratura italiana nell’etĂ  del Concilio di Trento », in Idem, Geografia ... 40La figure de l’homme de lettres tracĂ©e par Brocardo dans le Dialogo della Retorica correspond Ă  la figure sociale du poligrafo, dont l’ArĂ©tin fut l’exemple le plus accompli. Le polygraphe, qui aspire Ă  vivre de son talent, se veut plus autonome et orgueilleux que le poĂšte de cour, mais dans la sociĂ©tĂ© des annĂ©es 1540-1550 oĂč se situent les dialogues de Speroni, on a encore cruellement besoin d’un mĂ©cĂ©nat pour survivre. L’apparition du polygraphe sur la scĂšne culturelle italienne s’explique par cette ouverture vers le bas et par la relative libertĂ© de la culture italienne de ces annĂ©es qu’a si bien dĂ©crite Carlo Dionisotti, ouverture qui se clĂŽt inexorablement avant mĂȘme la fin du Concile de Trente et le triomphe de la Contre-RĂ©forme75. Mais pour un ArĂ©tin qui parvient au succĂšs et qui sait intimider les princes, combien d’autres hommes de lettres vivent dans la gĂȘne et ne parviennent ni Ă  trouver des ressources et une protection ni Ă  imposer ou simplement Ă  faire connaĂźtre leur veine critique. Le cas dĂ©jĂ  mentionnĂ© de NicolĂČ Franco, qui finit sur le bĂ»cher en 1570 pour avoir Ă©crit contre de hauts personnages de l’Église, est Ă  cet Ă©gard emblĂ©matique. 76 Sur la querelle qui opposa l’ArĂ©tin Ă  Antonio Broccardo, voir Paul Larivaille, Pietro Aretino, Rom ... 77 Selon G. Mazzacurati, avec le Dialogo della Retorica Ăš compiuta l’affermazione della letteratura ... 41Tout en admirant l’ArĂ©tin, auquel il fut liĂ© d’amitiĂ©, et tout en Ă©tant convaincu du nĂ©cessaire ancrage de la littĂ©rature et de l’homme de lettres Ă  la rĂ©alitĂ© de son temps, Speroni se situe sur des positions plus modĂ©rĂ©es et prend donc ses distances vis-Ă -vis de Brocardo76. MĂȘme s’il n’hĂ©sitait pas Ă  passer la rĂ©alitĂ© au crible de son esprit critique, il refusa toujours d’occuper le devant de la scĂšne pour pouvoir continuer Ă  dĂ©velopper sa rĂ©flexion en pleine libertĂ©. Ses positions sont celles d’un homme qui, tout en Ă©pousant la cause des Modernes et en reconnaissant la nĂ©cessitĂ© d’adapter la littĂ©rature Ă  l’évolution des temps, ne peut se passer de l’hĂ©ritage de la tradition. Cela ressort des contradictions qui caractĂ©risent ses opinions sur la rhĂ©torique. Bien que Speroni n’arrive plus Ă  justifier l’utilitĂ© des causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires, il ne dĂ©clare pas non plus ouvertement que la seule cause possible Ă  son Ă©poque est la dĂ©monstrative. De lĂ  dĂ©coule son impossibilitĂ© Ă  accomplir jusqu’au bout l’équivalence entre cause Ă©pidictique et littĂ©rature, qu’en revanche lui reconnaĂźt Mazzacurati77. Il prĂ©fĂšre donc laisser Ă  son lecteur cette tĂąche dĂ©licate. Son malaise face Ă  la situation de la rhĂ©torique dans la premiĂšre partie du xvie siĂšcle se traduit ainsi non seulement par les contradictions et les ambiguĂŻtĂ©s de son discours, mais Ă©galement par son incapacitĂ© Ă  donner une forme dĂ©finitive Ă  ses Ă©crits sur l’art de persuader. Ce n’est pas par hasard que ces derniers sont parmi les plus fragmentaires qu’il ait laissĂ©s. En guise de conclusion l’écriture Ă  l’épreuve 78 Mario Marti, Sperone Speroni retore e prosatore », in Dal certo al vero. Studi di filologia e di ... 79 À titre rĂ©capitulatif et de rappel Finalmente – dit Brocardo au sujet de la cause dĂ©monstrativ ... 80 Vents s’opposant Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© de la raison », les bourrasques », soleil qui en rĂ©flĂ©chissant ... 81 [
] io vi dico questa lingua moderna, tutto che sia attempatetta che no, esser perĂČ ancora assai ... 82 Tanto sarebbe trasferir Aristotele di lingua greca in lombarda, quanto traspiantare un narancio e ... 42Nous partirons de quelques considĂ©rations de Mario Marti qui reproche Ă  la prose de Speroni un excĂšs d’élaboration et de complexitĂ© qui fait quasiment perdre de vue la richesse de sa pensĂ©e. Le critique affirme mĂȘme que l’auteur des Dialogi est esclave de la forme encore plus que ses contemporains qui pourtant chĂ©rissaient la complexitĂ© syntaxique et stylistique78. Sans prĂ©tendre comparer Ă  notre tour la prose de Speroni avec celle de certains de ses contemporains, essayons de rĂ©pondre aux critiques de Marti en ayant Ă  l’esprit les nombreuses citations qui Ă©tayent notre contribution. Nous n’avons en effet pas besoin de faire une analyse dĂ©taillĂ©e de la prose de Speroni pour admettre que sa syntaxe est tortueuse et alambiquĂ©e, qu’elle abonde en propositions incises qui nous obligent Ă  revenir maintes fois au dĂ©but de la phrase pour rĂ©cupĂ©rer le fil de la pensĂ©e, et en constructions latinisantes oĂč le verbe est situĂ© Ă  la fin79. Il faut toutefois aussi admettre qu’une fois qu’on pĂ©nĂštre dans l’univers mental et expressif de Speroni, la complexitĂ© de sa prose devient moins gĂȘnante, alors qu’elle continue de nous frapper si nous extrayons de leur contexte des phrases et des pĂ©riodes isolĂ©es. Quant aux figures de style proprement dites – mĂ©taphores et similitudes essentiellement – et au lexique, s’il lui arrive d’emprunter des formules pĂ©trarquisantes et nĂ©o-platonisantes rebattues ou de recourir Ă  des termes recherchĂ©s, il est assez frĂ©quent que le choix soit plus personnel. Ainsi, Ă  cĂŽtĂ© de l’image traditionnelle des venti contrarij al sereno della ragione » qui agitent le procelle » de nos Ăąmes, ou encore de l’assimilation de la cause dĂ©monstrative au soleil qui riflettendo i suoi raggi l’altre due piĂč inferiori scalda e alluma80 », en figurent d’autres plus concrĂštes et familiĂšres pour notre sensibilitĂ©. Dans le Dialogo delle Lingue, la mĂ©taphore vĂ©gĂ©tale chargĂ©e de traduire l’état de la langue, relativement fade et convenue lorsqu’elle est profĂ©rĂ©e par Bembo81, devient plus expressive dans la bouche de Lascaris qui discute avec Pomponazzi82. 83 Dunque, alle cause venendo, come io dissi, cosĂŹ ridico di nuovo che la causa demostrativa Ăš la pi ... 43Au mĂȘme domaine des images concrĂštes et frappantes appartiennent certaines mĂ©taphores utilisĂ©es par Brocardo dans le Dialogo della Retorica, oĂč ce dernier assimile les diffĂ©rentes composantes de la cause dĂ©monstrative aux parties du corps humain veines, membres, os, nerfs, chair que lui-mĂȘme s’évertue Ă  Ă©numĂ©rer et Ă  dissĂ©quer en vĂ©ritable anatomiste de l’art de persuader83. On rencontre encore la sphĂšre du concret et du quotidien dans un autre procĂ©dĂ©, cher Ă  Speroni, qui consiste Ă  Ă©tablir un parallĂšle entre l’élĂ©gance formelle du discours oratoire et celle des vĂȘtements et des ornements dont les hommes se parent Ă  diffĂ©rentes occasions 84 Si quelqu’un est noble et riche, et n’adapte pas son habillement et son train de vie Ă  ses riches ... Se uno Ăš nobile e ricco, e non veste e non tien famiglia conveniente alle ricchezze e nobiltĂ  sua, vien riputato avaro e sordido. CosĂŹ un dotto e ben parlante, se in giudicio o in senato proverĂ  seccamente una cosa, sarĂ  riputato ed in vero sarĂ  un scempio. [
] Alle messe, a’ vespri, cose all’anima pertinenti, si orna il papa e li cardinali di belli manti d’oro e di gemme e noi nelle cose civili anderemo con parole spogliate e nude d’ogni bellezza84? 85 Et voici que les vĂȘtements de l’homme sont plus grands que sa personne ; sans quoi il n’y serait ... 86 Voir plus haut, note 72. 44La mĂ©taphore des vĂȘtements est Ă  nouveau reprise pour justifier la nĂ©cessitĂ© de l’amplificatio Ed ecco che le veste dell’uomo sono piĂč larghe della persona; altrimenti non vi starebbe comodamente; [
] e le parole sono veste e case, ove albergano i nomi, e le memorie, e concetti nostri85 ». Dans le mĂȘme registre on peut Ă©galement rappeler le rapport que Speroni Ă©tablit entre la rhĂ©torique et les tapis et les autres ornements domestiques qu’on utilise pour rendre la maison plus accueillante86. Ces quelques exemples nous permettent dĂ©jĂ  de dire que l’on ne trouve pas seulement d’images stĂ©rĂ©otypĂ©es chez Speroni et que celui-ci fait un vĂ©ritable effort pour adapter l’expression au point de vue des interlocuteurs de ses dialogues, ainsi que nous avons dĂ©jĂ  pu le constater prĂ©cĂ©demment. 87 Dialogo della Retorica, p. 661-662. 45Au sujet du Dialogo della Retorica, nous avons Ă©voquĂ© l’ironie subtile dont se sert Brocardo pour dĂ©noncer l’imitation servile de PĂ©trarque. L’on se souviendra que pour donner plus de force Ă  sa thĂšse, Brocardo retrace les Ă©tapes de son malheureux apprentissage d’imitateur de PĂ©trarque87. La critique de l’imitation, loin d’ĂȘtre ici exposĂ©e de maniĂšre abstraite, ressort de l’évocation de l’expĂ©rience nĂ©gative du principal interlocuteur du discours. Ce choix d’illustrer une opinion Ă  travers une expĂ©rience, et donc par un court rĂ©cit biographique, donne non seulement plus de force Ă  l’opinion, mais intĂ©resse davantage l’interlocuteur qui suit avec plaisir la reconstruction des Ă©tapes de l’échec de Brocardo. Dans cette partie du Dialogo della Retorica, les choses se passent exactement comme dans la conversation oĂč alternent dialogue et rĂ©cit, tant pour agrĂ©menter l’échange que pour donner plus de relief aux idĂ©es dĂ©battues. Ce dernier exemple montre avec nettetĂ© combien Speroni s’efforce de confĂ©rer Ă  son dialogue la dimension d’un Ă©change d’opinions vivant, oĂč les idĂ©es dĂ©battues sont vĂ©ritablement mises en scĂšne et animĂ©es par des personnages et non pas froidement exprimĂ©es comme dans un traitĂ©. 46S’il y a du vrai dans le jugement de Marti sur le style de Speroni, il nous semble toutefois qu’il est trop partial de s’arrĂȘter longuement sur les faiblesses de l’auteur des Dialogi et de nĂ©gliger ses mĂ©rites et les efforts rĂ©els qu’il a accomplis pour adapter son style Ă  la portĂ©e critique de ses idĂ©es. Selon nous, toutefois, l’aspect le plus novateur de l’Ɠuvre de Speroni ne rĂ©side pas tellement dans le choix du dialogue, dĂ©jĂ  opĂ©rĂ© avant lui par Bembo et Castiglione, pour ne citer que d’illustres prĂ©dĂ©cesseurs, mais dans le fait de nous avoir laissĂ© une Ɠuvre ouverte et qui a continuĂ© Ă  germer dans le temps sous la poussĂ©e des circonstances et des transformations historiques que l’auteur a pu connaĂźtre au cours de sa longue existence. Ainsi, des Ă©crits comme l’Apologia dei Dialogi, la deuxiĂšme partie du dialogue de l’Usura et d’autres textes rĂ©digĂ©s vers la fin de sa vie tĂ©moignent-ils non seulement de son ralliement Ă  l’esprit de la Contre-RĂ©forme, mais Ă©galement de sa disponibilitĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  revenir sur ses idĂ©es. Si on devait comparer l’entreprise de Speroni Ă  celle d’un autre auteur de son Ă©poque c’est, toutes proportions gardĂ©es, le nom de Montaigne qui nous viendrait le plus spontanĂ©ment Ă  l’esprit. L’un et l’autre furent des gentilshommes impliquĂ©s dans la vie locale, mais refusant une trop grande proximitĂ© avec le pouvoir afin de garder la libertĂ© de continuer Ă  construire l’Ɠuvre tissĂ©e tout au long de leur existence. Un autre point leur est commun, qui est d’avoir mis Ă  la portĂ©e de leurs lecteurs leur esprit critique en les invitant ainsi implicitement, Ă  travers l’exemple de leurs Ă©crits, Ă  rĂ©sister contre les idĂ©es toutes faites ou la force de la tradition et de l’autoritĂ©. Haut de page Notes 1 Vers la fin de sa vie, Speroni caressa l’idĂ©e de publier une Ă©dition dĂ©finitive de ses dialogues, mais il ne donna pas suite Ă  ce projet. Ingolfo de’ Conti, petit fils de Speroni, publia entre 1596 et 1606 les Ɠuvres de son grand-pĂšre, mais ces Ă©ditions firent l’objet d’un jugement trĂšs sĂ©vĂšre de la part de Natale Dalle Laste et Marco Forcellini qui se chargĂšrent d’éditer en 1740 les Ɠuvres de Speroni ; cf. Sperone Speroni, Opere, introduzione di Mario Pozzi, Manziana Rome, Vecchiarelli Editore, 1989, 5 vol. reprint de l’édition des Ɠuvres de Speroni, Venise, Occhi, 1740 due Ă  Dalle Laste et Forcellini, p. VI-XI. 2 L’édition des Dialogi parut Ă  Venise chez les fils d’Alde Manuce ; l’édition de 1542 comprend les titres suivants Dialogo d’amore, Della dignitĂ  delle donne, Del tempo del partorire delle donne, Della cura famigliare, Della Usura, Della Discordia, Delle Lingue, Della Retorica, Delle Laudi del Cataio, Della Villa della S. Beatrice Pia degli Obici, Dialogo intitolato Panico e Bichi. Alessandro Piccolomini s’est librement inspirĂ© du dialogue de Speroni Della cura famigliare dans son ouvrage Dell’Instituzione di tutta la vita dell’uomo nato nobile e in cittĂ  libera Venetiis, apud H. Scotum, 1542 ; cet Ă©pisode est rĂ©sumĂ© dans les pages consacrĂ©es Ă  Speroni dans le recueil Trattatisti del Cinquecento, a cura di Mario Pozzi, Milan-Naples, Ricciardi, 1978, t. I, p. 1179. 3 On trouvera le rĂ©cit de sa vie dans le dernier volume de l’édition des Ɠuvres de Speroni procurĂ©e par Natale Dalle Laste et Marco Forcellini. Sur la biographie de Speroni, voir aussi A. Fano, Sperone Speroni 1500-1588. Saggio sulla vita e sulle opere, Parte I. La vita, Padoue, Fratelli Drucker, 1909. 4 Sur l’inachĂšvement du Dialogo della Retorica, voir l’anecdote reprise par Mario Pozzi d’aprĂšs l’édition des Opere de Speroni 1740, in Trattatisti del Cinquecento, ouvr. citĂ©, p. 681-682. 5 Par rhĂ©torique, nous entendons la rhĂ©torique persuasive hĂ©ritĂ©e de l’antiquitĂ© classique, dont CicĂ©ron donna l’exemple le plus accompli et qui remplaça entre la fin du xive et le dĂ©but du xve siĂšcle la rhĂ©torique mĂ©diĂ©vale fondĂ©e sur le syllogisme. Sur l’apprentissage de la rhĂ©torique Ă  la Renaissance, voir Paul F. Grendler, La Scuola nel Rinascimento italiano, Bari, Laterza, 1991 Ă©d. orig. Schooling in Renaissance Italy Literacy and Learning 1300-1600, Baltimore, The John Hopkins University Press, 1989, p. 225-226. 6 Les trattatelli se trouvent tous dans le tome V des Opere de Speroni, alors que le fragment du dialogue Sopra Virgilio et le Dialogo della Retorica se trouvent respectivement dans le tome II et dans le tome I. En ce qui concerne le Dialogo della Retorica, nous citons d’aprĂšs l’édition de M. Pozzi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ© ; pour le Dialogo delle Lingue nous avons utilisĂ© l’édition bilingue Dialogues des langues, traduction de GĂ©rard GĂ©not et Paul Larivaille ; texte italien, introduction et notes par M. Pozzi, Paris, Les Belles Lettres, 2001. 7 Les caractĂ©ristiques essentielles du dialogue Ă  la Renaissance ont Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©es par Anne Godard et sont les suivantes 1 prĂ©pondĂ©rance du dialogue rĂ©fĂ©rentiel, c’est-Ă -dire du dialogue faisant intervenir des personnages historiques ; 2 prĂ©pondĂ©rance d’une dĂ©marche labyrinthique sur l’esprit de systĂšme ; 3 transgĂ©nĂ©ricitĂ©, ou appartenance Ă  plusieurs genres. À la Renaissance opĂšrent deux grandes traditions de dialogues ceux de type platonicien-cicĂ©ronien, dont les caractĂšres dominants sont la retenue formelle et le caractĂšre rĂ©fĂ©rentiel, et les dialogues inspirĂ©s de Lucien, dont le trait saillant est le caractĂšre fictionnel dans la mesure oĂč les protagonistes sont souvent des hĂ©ros rĂ©unis aux enfers ou des dieux de l’antiquitĂ© paĂŻenne » ; cf. Anne Godard, Le Dialogue Ă  la Renaissance, Paris, PUF, 2001, p. 22-23. La plupart des dialogues de Speroni appartiennent Ă  la premiĂšre tradition, mais ce dernier a aussi cultivĂ© la seconde, notamment dans le Dialogo dell’Usura. En gĂ©nĂ©ral, la production dialogique de la Renaissance se divise en deux grandes catĂ©gories d’une part les dialogues diĂ©gĂ©tiques, oĂč le dĂ©bat est introduit par un ou plusieurs narrateurs et dont le contexte est soigneusement dĂ©crit, d’autre part les dialogues mimĂ©tiques, oĂč ni le contexte ni les interlocuteurs du dĂ©bat ne font l’objet d’une prĂ©sentation prĂ©alable. Les dialogues de Speroni, dont le Dialogo della Retorica, relĂšvent de cette derniĂšre catĂ©gorie, voir Ă  ce propos Jean-Louis Fournel, Le monde des dialogues de Sperone Speroni langues communes et communautĂ©s de cultures », in QuĂȘte d’une identitĂ© collective chez les Italiens de la Renaissance, Paris, UniversitĂ© de la Sorbonne Nouvelle, 1990, p. 121-173 ; Nuccio Ordine, Il dialogo cinquecentesco italiano tra diegesi e mimesi », in Studi e Problemi di Critica Testuale, 37, 1988, p. 155-179, et du mĂȘme, Teoria e “situazione” del dialogo nel ’500 italiano », in Il Dialogo filosofico nel 500 europeo, a cura di D. Bigalli e G. Canziani, Milan, Franco Angeli, 1990, p. 13-33, en part. p. 14. Parmi les Ă©tudes fondamentales sur le dialogue Ă  la Renaissance on rappellera Virginia Cox, The Renaissance Dialogue, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Le Dialogue au temps de la Renaissance, Ă©d. Marie-ThĂ©rĂšse Jones Davis, Paris, Jean Touzot, 1984 ; Il Sapere delle parole. Studi sul dialogo latino e italiano del Rinascimento, a cura di Walter Geerts, Annick Paternoster & Franco Pignatti, Rome, Bulzoni, 2001. 8 S. Speroni, Apologia dei Dialoghi, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 684 Ogni dialogo sente non poco della comedia. Dunque, sĂŹ come nelle comedie varie persone vengono in scena, e molte d’esse non molto buone, ma tutte quante a buon fine e perĂČ admesse dalla cittĂ ; ciĂČ sono servi maliziosi, innamorati senza alcun senno, adulatori, giovini e vecchie di male affare e parla ognuno da quel che egli Ăš o pare essere, e se parlasse altrimenti, non ostante che egli dicesse buone cose, male farebbe il suo uffizio e spiacerebbe al teatro; cosĂŹ il dialogo ben formato, sĂŹ come Ăš quel di Platone, ha molti e varii interlocutori che tal ragionano quale Ăš il costume e la vita che ciascuno d’essi ci rappresenta. » Sur les rapports existant entre les Dialogi de Speroni et la comĂ©die, voir par exemple Mireille Blanc, Entre Socrate et Dionysos ou le dialogue pendant la Renaissance italienne Sperone Speroni et Alessandro Piccolomini », in Essais sur le dialogue, Ă©d. Jean Lavedrine, Grenoble, Publications de l’universitĂ© de Langues et de Lettres de Grenoble, 2 vol., vol. II 1984, p. 107-144, notamment, p. 123-127. 9 Au sujet de CicĂ©ron, Soranzo prĂ©cise qu’il a Ă©tĂ© plus un orateur qu’un rhĂ©teur, c’est-Ă -dire qu’il a Ă©tĂ© meilleur dĂ©clamateur que pĂ©dagogue, si come quello che meglio parla, che non ci insegna a parlare » Dialogo della Retorica, in Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 640. Le Dialogo della Retorica se dĂ©roule Ă  Bologne en dĂ©cembre 1529, lors du couronnement de Charles Quint par le pape ClĂ©ment VII. Les participants au dĂ©bat sont Antonio Broccardo 1500-1531, poĂšte anti-bembesque, Marcantonio Soranzo et Gian Francesco Valerio. Ce dernier fut secrĂ©taire de Bibbiena et trĂšs liĂ© Ă  la politique française et au roi François Ier. Le Dialogo della Retorica fut composĂ© entre 1538 et 1540 ; cf. Giancarlo Mazzacurati, La fondazione della letteratura », in Id., Il Rinascimento dei moderni. La crisi culturale del xvi secolo e la negazione delle origini, Bologne, Il Mulino, 1985, p. 238. 10 De plus, je me demande si l’art oratoire de la langue latine convient aux autres langues, en particulier Ă  la langue toscane que nous parlons aujourd’hui ; dans laquelle j’estime qu’on peut au mieux Ă©crire quelques nouvelles Ă  la maniĂšre de Boccace pour rĂ©jouir un esprit mĂ©lancolique et rien de plus ; ce qui est tout Ă  fait diffĂ©rent des trois types de causes, qui furent considĂ©rĂ©s par les Ă©crivains latins comme la matiĂšre unique et gĂ©nĂ©rale de leur art rhĂ©torique. Jusqu’à prĂ©sent je n’ai trouvĂ© personne pour m’aider Ă  dissiper ces doutes et d’autres analogues qui ne cessent de tourner dans mon esprit » Dialogo della Retorica, p. 640. 11 Par son Dialogus Ciceronianus sive de optimo genere dicendi Érasme entendait moins attaquer l’éloquence cicĂ©ronienne que mettre en garde contre le danger de dissocier la renovatio des arts et de la littĂ©rature de l’esprit du christianisme. Le dialogue d’Érasme inflige toutefois un coup trĂšs dur Ă  l’éloquence antique, qu’il juge dĂ©passĂ©e Verum ut olim fuerit utilis eloquentia Ciceronis, hodie quis est illius usus ? An in iudiciis ? Ibi res agitur articulis ac formulis, per procuratores et advocatos, quidvis potius quam ciceronianos, apud iudices, apud quos barbarus esset Cicero. [
] Maxime vero res hodie per consilium, quod arcanum vocant, conficiuntur ad id vix tres homines adhibentur, illitterati fere » Desiderio Erasmo da Rotterdam, Il Ciceroniano o dello stile migliore, testo latino critico, traduzione italiana, prefazione, introduzione e note a cura di Angiolo Gambaro, Brescia, La Scuola, 1965, p. 188. 12 Valerio dĂ©clare en effet au dĂ©but du dialogue Voi apparecchiatevi non solamente ad udire, ma a contradire ; e cosĂŹ faccia il Brocardo, il cui parere nella presente materia per avventura sarĂ  diverso dal mio » Dialogo della Retorica, p. 641. 13 Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence. RhĂ©torique et res litteraria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, GenĂšve, Droz, 2002 1re Ă©d., 1980, p. 94. 14 Ora, mentre che noi ridiamo e giuochiamo, o Brocardo, il Cardinale don Ercole col Priuli e col Navagero, in casa l’ambasciator Contarini, deono essere a questione, disputando fra loro della nostra immortalitĂ  » Dialogo della Retorica, p. 638. Don Ercole est Ercole Gonzaga, fils cadet de François Gonzague et d’Isabelle d’Este, Priuli est un gentilhomme vĂ©nitien, ami de Bernardo Tasso. Deux autres dialogues de Speroni devaient traiter de l’immortalitĂ© de l’ñme, le Dialogo della vita attiva e contemplativa et le Dialogo delle Lingue, mais ils dĂ©viĂšrent ensuite de ce premier objectif ; cf. Jean-Louis Fournel, Les Dialogues de Sperone Speroni libertĂ©s de la parole et rĂšgles de l’écriture, Marburg, Hitzeroth, 1990, p. 30-31. 15 Le bien parler au profit de l’avoir, des personnes et de l’honneur des mortels » Dialogo della Retorica, p. 639. 16 Au sujet de la distinction entre rhĂ©torique et philosophie, il est d’usage de rappeler que Speroni, qui fut Ă©lĂšve du philosophe Pietro Pomponazzi Ă  Bologne de 1523 Ă  1525, dĂ©clina en 1528 l’offre d’enseigner la philosophie Ă  l’UniversitĂ© de Padoue, car Ă  la suite de la mort de son pĂšre, il dut s’occuper personnellement de l’administration des biens de sa famille ; cf. M. Pozzi, Trattatisti
, ouvr. citĂ©, p. 692. Pomponazzi Ă©crivit en 1516 le Tractatus de immortalitate animae, dans lequel il disait qu’Aristote n’avait jamais dĂ©montrĂ© l’immortalitĂ© de l’ñme ; cf. Fournel, Les Dialogues
, ouvr. citĂ©, p. 32-34. 17 [
] mon enveloppe extĂ©rieure, qui est sous les yeux de chacun ; de mĂȘme, pour faire un bon discours oratoire dans des domaines diffĂ©rents, il suffit de connaĂźtre un certain je ne sais quoi de la vĂ©ritĂ© qui est constamment sous nos yeux, puisque c’est une chose que Dieu a voulu imprimer dans nos Ăąmes naturellement dĂ©sireuses de connaĂźtre » Dialogo della Retorica, p. 643. 18 Le rapport Ă©troit entre peinture et littĂ©rature a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par les thĂ©oriciens entre 1550 et 1750. Pendant deux siĂšcles les critiques ont pensĂ© que, si le poĂšte ressemblait au peintre, c’était principalement par la vivacitĂ© picturale de sa reprĂ©sentation ou, plus prĂ©cisĂ©ment, de sa description – son pouvoir de peindre dans l’Ɠil de l’esprit des images claires du monde extĂ©rieur, comme un peintre les enregistre sur la toile » Rensselaer Wright Lee, Ut pictura poesis’. Humanisme et thĂ©orie de la peinture xve-xviiie siĂšcles, Paris, Macula, 1991 Ă©d. orig., 1967, p. 10. Ludovico Dolce, dans son Dialogo della pittura intitolato l’Aretino Venise, 1557, radicalise la conception commune en dĂ©clarant que les poĂštes, tous les Ă©crivains mĂȘme, sont des peintres. 19 L’art de la parole, Ă©crit CicĂ©ron, est Ă  dĂ©couvert, Ă  la portĂ©e, pour ainsi dire, et Ă  la disposition de chacun, instrument d’une pratique journaliĂšre, langage usuel de la conversation ; si bien que dans les autres genres on excelle Ă  proportion qu’on s’écarte davantage de l’intelligence et de la comprĂ©hension du vulgaire ; mais dans l’éloquence, ce serait la plus grave des fautes que de rejeter les façons de penser et de sentir communes Ă  tous les hommes » CicÉron, De Oratore. Ad Quintum Fratrem Libri Tres, livre I, texte Ă©tabli et traduit par Edmond Courbaud, Paris, Les Belles Lettres, 1938, p. 11-12. 20 Troppo erra chi ha opinione che l suo intelletto [de l’orateur], che non sa nulla, sia uno armario di ogni scienzia » Dialogo della Retorica, p. 644. Au dĂ©but du livre premier du De Oratore, on lit À mon sens, personne ne saurait devenir un orateur accompli, s’il ne possĂšde tout ce que l’esprit humain a conçu de grand et d’élevĂ©. Car c’est de toutes ces notions rĂ©unies que doit sortir la fleur et jaillir le flot du discours » CicÉron, De Oratore
, ouvr. citĂ©, livre I, p. 14. 21 CicĂ©ron expose cette conception du savoir de l’orateur dans son dialogue De Oratore, conçu et rĂ©digĂ© en 55 pour combattre contre la superficialitĂ© de l’enseignement des rhĂ©teurs romains qui prĂ©tendaient former un bon orateur Ă  coups de recettes et de rĂšgles sans se soucier de lui fournir de solides bases culturelles et critiques ; cf. CicÉron, De Oratore, ouvr. citĂ©, Introduction, p. X. 22 Sur la conscience historique de Speroni, voir Riccardo Scrivano, Cultura e letteratura in Sperone Speroni », in La Rassegna della Letteratura Italiana, 1951, p. 38-51. 23 [
] dites-moi au moins une chose, puisque la tĂąche de l’orateur est de persuader ceux qui l’écoutent en plaisant, en enseignant et en touchant Ă  savoir par lequel de ces trois moyens, qui soit le plus convenable Ă  son art et le plus digne d’éloges pour lui, il peut rendre effectif son souhait », Dialogo della Retorica, p. 640. Certains critiques estiment que les trattatelli, dont ceux sur la rhĂ©torique que nous Ă©tudions, sont postĂ©rieurs au dialogue inachevĂ© sur la rhĂ©torique ; voir par exemple Ă  ce sujet Pietro Floriani, Sperone Speroni, letterato nuovo », in Id., I gentiluomini letterati. Studi sul dibattito culturale nel primo Cinquecento, Naples, Liguori, 1981, p. 129, note 14. 24 Il diletto sia la virtĂč dell’oratione onde ella prende la bellezza et la forza a persuader chi l’ascolta », car, poursuit Brocardo, Indarno adunque d’insegnare, et di movere non dilettando ci fatichiamo; et dilettando senza altro quanta Ăš la forza del compiacere siamo possenti di persuader gli ascoltanti, riportando la disiata vittoria non per forza, ne quasi per merito di ragione, ma come grazia a noi fatta da gli ascoltanti, per quel diletto, che nelle menti di quelli suol partorire la oratione ben composta, et ben recitata » Dialogo della Retorica, p. 641. 25 Par le discernement de l’auteur, par le consentement et le plaisir de l’auditoire » Dialogo della Retorica, p. 642. 26 Ibid., note 1. 27 On lit par exemple au dĂ©but du De Oratore de CicĂ©ron l’éloquence en dĂ©ployant sa force n’a qu’un but agir sur les Ăąmes des auditeurs, pour les calmer ou les Ă©mouvoir » Ă©d. cit., p. 13. 28 Speroni rapporte que pour Platon la rhĂ©torique Ă©tait une mala arte » puisque lusingando il giudice in molti modi, fa che egli giudichi alla riversa » Dell’arte oratoria, p. 536. 29 Le terme mos, moris est la traduction d’éthos, maniĂšre de se comporter, d’agir, mƓurs bonnes ou mauvaises, usage, genre de vie, caractĂšre. 30 RhĂ©torique 1365a On persuade par le caractĂšre, quand le discours est de nature Ă  rendre l’orateur digne de foi, car les honnĂȘtes gens nous inspirent confiance plus grande et plus prompte sur toutes les questions en gĂ©nĂ©ral, et confiance entiĂšre sur celles qui ne comportent point de certitude, et laissent une place au doute. Mais il faut que cette confiance soit l’effet du discours, non d’une prĂ©vention sur le caractĂšre de l’orateur. Il ne faut donc pas admettre, comme quelques auteurs de Techniques, que l’honnĂȘtetĂ© mĂȘme de l’orateur ne contribue en rien Ă  la persuasion » Aristote, RhĂ©torique, texte Ă©tabli et traduit par MĂ©dĂ©ric Dufour, Paris, Les Belles Lettres, 1932, t. I, p. 76-77. 31 Del genere demonstrativo, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. V, p. 549 [que le mos] soit une preuve meilleure que le recours Ă  l’émotion est bien connu car le mos opĂšre par le biais de la reconnaissance des mĂ©rites, qui est une chose trĂšs bonne. Il se rĂ©fĂšre Ă  l’intelligence et non aux passions, et il montre Ă  l’intelligence que l’honnĂȘtetĂ© et l’approbation sont Ă  prĂ©fĂ©rer Ă  une vie digne de blĂąme ». 32 Elle ne nous Ă©meut pas, mais nous calme en nous consolant dans nos propres misĂšres » Del genere demonstrativo, p. 550. 33 Au penchant des Ă©motions » Dialogo della Retorica, p. 644. 34 De cette maniĂšre dont nous agissons lorsque nous nous efforçons de soulever les choses lourdes et de faire aller vers le bas les choses lĂ©gĂšres » Dialogo della Retorica, p. 646. 35 En ce qui concerne le mos bisogna che sia invenzione e giudicio dell’orator in quanto orator perĂČ bisogna che sia nell’orazione, e non nella vita » Del genere demonstrativo, p. 550. 36 AprĂšs avoir constatĂ© que DĂ©mosthĂšne fut plus philosophe » que CicĂ©ron, Speroni observe Non Ăš dunque del tutto falso quel che dice Bruto di Cicerone, che fosse elumbe e senza nervo, mancando di prove, ed Asiano per conseguente, perchĂ© fuor dell’arte si estende; il che puĂČ andare in infinito » Dell’arte oratoria, p. 538. 37 [
] trĂšs grande doit ĂȘtre la violence de l’orateur sur nos esprits dĂšs lors qu’il nous persuade Ă  bien faire ; en rĂ©ussissant Ă  obtenir en une heure par de simples mots ce que le philosophe n’arrive pĂ©niblement Ă  conquĂ©rir qu’en vivant de maniĂšre vertueuse pendant de nombreuses annĂ©es » Dialogo della Retorica, p. 647. 38 Un art adaptĂ© Ă  la civilitĂ© et Ă  la libertĂ© publique » Dialogo della Retorica, p. 647. 39 Speroni critique l’opinion de CicĂ©ron d’aprĂšs lequel il faut elegger un grande al quale si facciamo simili nel dire » Dell’arte oratoria, p. 542. À propos de la question de l’imitation, on rappellera l’échange de lettres sur ce sujet entre Giovanni Francesco Pico della Mirandola, neveu du grand Pico, et Pietro Bembo. Giovanfrancesco Pico, dans sa lettre De imitatione ad Petrum Bembum, datĂ©e de 1512, nie l’utilitĂ© de l’imitation d’un modĂšle dans l’acte crĂ©ateur qui ne repose pas sur l’apprentissage d’une technique, mais sur la capacitĂ© innĂ©e de l’écrivain Ă  l’éveil spirituel. L’imitation ne saurait donc pas prendre pour modĂšle le texte de CicĂ©ron, mais l’idĂ©e de Beau vers laquelle le texte de CicĂ©ron n’est qu’une Ă©tape. Bembo rĂ©pondit Ă  Pico par une autre lettre du mĂȘme titre oĂč il insistait sur l’importance de l’imitation. D’aprĂšs Bembo, pour pouvoir rejoindre cette idĂ©e du Beau dont parlait Pico, il ne faut pas seulement un artiste d’exception, mais Ă©galement un modĂšle de rĂ©fĂ©rence qui puisse servir de point de dĂ©part Ă  l’élan de l’artiste. Bembo insiste sur l’unicitĂ© du modĂšle Ă  imiter, car quand on suit plusieurs modĂšles, selon la conception Ă©clectique prĂŽnĂ©e par Pico, on finit par avoir un style protĂ©iforme et donc monstrueux. Bembo conseillait donc de prendre CicĂ©ron comme unique modĂšle pour la prose et Virgile pour la poĂ©sie ; cf. M. Fumaroli, L’Âge de l’éloquence
, ouvr. citĂ©, p. 83-87. Sur l’échange de lettres entre Pico et Bembo, voir Giorgio Santangelo, Le epistole De Imitatione » di Giovanfrancesco Pico della Mirandola e Pietro Bembo, Florence, Olschki, 1954 ; Id., Il Bembo critico e il principio di imitazione, Florence, Sansoni, 1950. 40 Les mots doivent ĂȘtre semblables aux idĂ©es de l’esprit, dont ils expriment le sens [
] Si nous voulons donc que notre discours oratoire soit identique Ă  celui d’un autre et l’imite, il faut d’abord que notre intelligence devienne comme celle de cet autre, et que les choses, c’est-Ă -dire les idĂ©es, soient semblables Ă  celles d’un autre » Dell’arte oratoria, p. 542. 41 Il est certain que celui qui s’exprime seulement comme Bembo n’a ni art ni intelligence. Il ignore l’art de dire et Ă©crit en imitant quelqu’un d’autre » Dell’arte oratoria, p. 542. 42 Il adapterait ses mots Ă  ses idĂ©es, non pas Ă  celles d’autrui [
]. L’invention est donc la chose fondamentale, et qui invente bien, parle bien et doit surtout adapter ses mots Ă  ce qu’il a inventĂ© » Dell’arte oratoria, p. 542. 43 Voyez maintenant combien je suis tombĂ© bas et dans quelle Ă©troite prison et avec quels liens je m’enchaĂźnai moi-mĂȘme » Dialogo della Retorica, p. 662. Sur Antonio Brocardo, voir l’article qui lui a Ă©tĂ© consacrĂ© dans le Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, vol. 14, 1972, p. 383-384. 44 Les imitateurs ne sont rien. Il ne faut pas imiter les bons auteurs en parlant comme eux sur tous les sujets ou en parlant seulement de ce dont ils parlent » Dell’arte oratoria, p. 543. 45 En n’étant pas ineptes, mais en Ă©tant prudents, clairs et en expliquant bien nos idĂ©es » Dell’arte oratoria, p. 543. 46 Dialogo sopra Virgilio Fragmento, in Sperone Speroni, Opere, Venise, Domenico Occhi, 1740, t. II, p. 359-360 Et je vous dis que s’il est vrai qu’imiter veut dire ressembler, c’est un trĂšs grand mensonge que de dire qu’HomĂšre a Ă©tĂ© imitĂ© par Virgile car Virgile est trĂšs diffĂ©rent de tout autre poĂšte et ne ressemble qu’à lui-mĂȘme. Et que Virgile ait dit nombre de choses qu’avait dites avant lui HomĂšre ne fait de lui un imitateur de ce dernier de mĂȘme considĂ©rer une mĂȘme chose dans des disciplines diffĂ©rentes ne rend pas semblables ces disciplines. Il suffira de dire que la maniĂšre de s’exprimer de Virgile n’est pas homĂ©rique et que, n’appartenant qu’à lui, elle est proprement virgilienne. » 47 Pietro Bembo, Prose della volgar lingua Introduzione e note di Carlo Dionisotti, Turin, UTET, 1966 [1931], p. XVI. 48 Dans les Dialoghi piacevoli de NicolĂČ Franco on lit par exemple que celui qui veut imiter PĂ©trarque ou CicĂ©ron deve dare venti passi con i suoi piedi, et uno solo con quegli della sua guida » NicolĂČ Franco, Dialoghi piacevoli, Venise, Gabriel Giolito de’ Ferrari, 1542, Ire Ă©dition, Giolito, 1539, dialogue III, p. 64. 49 R. Scrivano, Cultura e letteratura
 », art. citĂ©, p. 38. 50 Qui direi che questo vizio dello imitare Ăš venuto al mondo con lo studio delle lingue, specialmente delle lingue aliene, come sono a noi aliene la Greca e la Latina, ed a noi Lombardi la Toscana » Della imitazione, p. 558. 51 Dell’arte oratoria, p. 542. 52 Sur l’attitude critique de Speroni face Ă  la tradition humaniste, voir Francesco Bruni, Sperone Speroni e l’Accademia degli Infiammati », in Filologia e Letteratura, XIII, 1967, p. 24-71. 53 Et tout naĂźt d’une lĂąche peur des modernes, laquelle les porte Ă  croire qu’ils ne sont rien par eux-mĂȘmes et qu’ils ne pourront jamais ĂȘtre quelque chose dans quelque discipline que ce soit, s’ils ne sont pas semblables aux anciens au point d’ĂȘtre comme leurs ombres voilĂ  leurs seuls titres de gloire et le seul bonheur qu’ils ont » Dialogo sopra Virgilio
, ouvr. citĂ©, p. 367. 54 Dialogo delle Lingue, in Sperone Speroni, Dialogue des Langues, ouvr. citĂ©, p. 15-16. 55 Les interlocuteurs du Dialogo delle Lingue sont Bembo, un Cortigiano, tenant de l’homonyme conception de la langue dont l’exposĂ© le plus accompli se trouve dans Il Cortegiano de Castiglione livre I, chap. XXIX et suivants, Lazzaro Bonamico, enfin le Scolare, ancien Ă©lĂšve de Pietro Pomponazzi, qui rapporte une discussion sur la langue qui eut lieu Ă  Bologne entre l’humaniste grec Janus Lascaris et son maĂźtre Pomponazzi. 56 D’abord blĂąmĂ© et crucifiĂ© par certains hypocrites, il est maintenant adorĂ© et honorĂ© comme le Christ notre Sauveur par ceux qui le connaissent » Dialogo delle Lingue, p. 37. 57 Dialogo delle Lingue, p. 31. 58 Pour ce qui suit, voir notamment Mario Pozzi, Speroni e il genere epidittico », in Sperone Speroni, Padoue, Editoriale Programma, 1989 numĂ©ro spĂ©cial de la revue Filologia Veneta consacrĂ© Ă  Speroni, p. 55-88. 59 J’entends prouver que la rhĂ©torique, dĂ©finie par Platon subtilitĂ© et astuce, et non pas procĂ©dĂ© rationnel, celle donc qui est appelĂ©e flatterie infĂąme et vile [
], est le plus noble de tous les arts » Dell’arte oratoria, p. 539. 60 [Il n’y a pas de cause] plus Ă©lĂ©gante dans l’expression, ni plus utile aux rĂ©publiques que la cause dĂ©monstrative. Par ses prĂ©ceptes, elle ne parvient pas seulement Ă  former de bons orateurs, mais elle rĂ©ussit Ă  nous exhorter adroitement Ă  vivre de maniĂšre honnĂȘte ; ce que ne font pas les deux autres causes, par lesquelles nous poussons souvent l’auditoire Ă  mener des guerres injustes, et, pour venger les injures subies, tantĂŽt offensons les innocents, tantĂŽt dĂ©fendons les coupables » Dialogo della Retorica, p. 656. 61 Nous nous efforçons donc en vain d’enseigner et d’émouvoir sans plaire ; et en ne cherchant qu’à divertir car telle est la force de la volontĂ© de plaire nous parvenons Ă  convaincre nos auditeurs, en rapportant la victoire espĂ©rĂ©e non pas par la force ni presque pas par les mĂ©rites de notre raison, mais par une sorte de grĂące que l’auditoire nous accorde Ă  la suite du plaisir qu’engendre d’habitude dans l’esprit du public le discours oratoire bien composĂ© et bien dĂ©clamĂ© » Dialogo della Retorica, p. 642. 62 Je suis fermement convaincu que dans les causes dĂ©libĂ©ratives et judiciaires la nature de l’orateur ainsi que celle du sujet traitĂ© ont plus d’effet que l’art oratoire ; c’est le contraire qui se passe avec la cause dĂ©monstrative, oĂč le discours oratoire n’est pas moins beau quand il est lu que quand il est dĂ©clamĂ©. Pour cette raison, nous voyons des orateurs mĂ©diocres bien informĂ©s sur les matiĂšres civiles, et aidĂ©s par l’action et la mĂ©moire, parler d’habitude fort bien au sĂ©nat et au tribunal ; car dans ces cas les mots jaillissent en nous des choses traitĂ©es. Des mots accordĂ©s aux idĂ©es de l’esprit naĂźt l’harmonie qui Ă©tonne ceux qui Ă©coutent » Dialogo della Retorica, p. 656-657. 63 Quindi nacque il costume nella Republica atheniese, publicamente ogni anno quei cittadini lodare, i quali fortemente per la lor patria combattendo, fossero stati ammazzati » Dialogo della Retorica, p. 656. 64 [La cause dĂ©monstrative suscite] un troisiĂšme type d’émotion [
] plus noble que celui des passions, et grĂące auquel on parvient Ă  persuader ceux qui Ă©coutent Ă  mourir pour la patrie ; non pas sur le champ, comme il peut arriver Ă  une personne qui a perdu le contrĂŽle de soi-mĂȘme sous l’effet d’un accĂšs de fureur, mais un mois voire une annĂ©e plus tard signe que cette action diffĂ©rĂ©e est un Ă©lan de la raison et non pas des passions je dirais cette personne Ă©mue et non pas persuadĂ©e, si l’on considĂšre la cause efficiente qui la pousse Ă  agir » Del genere demonstrativo, p. 547. 65 [
] l’élocution est sans aucun doute la partie principale, presque son cƓur, et je ne croirais pas mentir si je l’appelais Ăąme ; de l’élocution, et de rien d’autre, dĂ©rive le nom mĂȘme d’éloquence, ainsi que vivant dĂ©rive de vie. L’invention et la disposition sont certainement des parties qui concernent les choses que le discours ordonne aprĂšs les avoir repĂ©rĂ©es dans les diffĂ©rents domaines du savoir ; mais la troisiĂšme partie, ainsi que le terme l’indique, appartient aux mots que nous choisissons non au hasard mais avec discernement et qu’aprĂšs les avoir choisis nous lions ensemble » Dialogo della Retorica, p. 649. Pozzi signale que ce passage est inspirĂ© de CicĂ©ron, Orator, XIX, 61. 66 Ma la retorica e la poesia sono artificii delle voci degli uomini, non come gravi e acute ma propriamente come parole, cioĂš in quanto elle son segni dell’intelletto, quelle accordando sĂŹ fattamente che ne riesca una consonanzia, la quale, metaforicamente parlando, da’ primi retori al numero musico assimigliandola, numero anch’essa fu nominata; senza il qual numero non Ăš orazione la orazione, e col qual numero ogni volgare e inerudito ragionamento puĂČ aver nome orazione » Dialogo della Retorica, p. 649. La source de Speroni est Aristote, qui au sujet du rythme du discours Ă©crit Ce qui est arythmique est indĂ©terminĂ© ; or, le style doit ĂȘtre dĂ©terminĂ©, mais non pas par le mĂštre ; ce qui est indĂ©terminĂ© est impropre au plaisir et Ă  la connaissance ; toutes choses sont dĂ©terminĂ©es par le nombre ; or, le nombre, appliquĂ© Ă  la forme du style, est le rythme, dont les mĂštres ne sont que des sections. Le discours doit, par consĂ©quent, avoir un rythme, non un mĂštre ; autrement, ce serait un poĂšme » Aristote, RhĂ©torique, 1408b ; ed. cit., vol. III, p. 57. Dans le Grand Dictionnaire de la langue italienne de Salvatore Battaglia, on lit Ă  l’article numero metr. struttura metrica e prosodica. Per estensione il ritmo e l’armonia che ne deriva e che si apprezza nella lettura o nella recitazione di una composizione poetica o oratoria. Ritmo, movimento ritmico, cadenza ». 67 La tĂąche de l’orateur n’est donc pas de dire seulement des mots qui rĂ©sonnent bien, mais qui soient aussi intelligibles et rĂ©pondent aux idĂ©es signifiĂ©es ; car de mĂȘme que dans les portraits du Titien nous considĂ©rons la ressemblance en plus du dessin et que, si ceux-ci sont tels comme ils le sont vraiment qu’ils reproduisent parfaitement leurs modĂšles, nous les considĂ©rons comme Ɠuvre parfaite et digne de lui ; de mĂȘme dans le discours oratoire nous mettons Ă  l’épreuve les idĂ©es que nous voulons exprimer avec la texture des mots, leur rythme et leur harmonie, en veillant Ă  ce que les mots prononcĂ©s soient conformes aux idĂ©es et qu’ils les signalent dans le mĂȘme ordre oĂč l’esprit les a indiquĂ©es » Dialogo della Retorica, p. 672. Le terme de concinnitĂ  », qui signifie harmonie, symĂ©trie obtenue par la collocatio verborum », est tirĂ© de l’Orator XLIX-L de CicĂ©ron ; cf. Dialogo della Retorica, p. 672, note 3. 68 Pour cette raison, si les concepts sont sĂ©rieux, les mots qui leur correspondent doivent ĂȘtre composĂ©s de syllabes que la langue prononce avec beaucoup de difficultĂ© » Dialogo della Retorica, p. 672. 69 Et il l’étoffera, le mettra en lumiĂšre et le caractĂ©risera, ne parlant que de lui seul et pour lui seul, le retournant et l’examinant minutieusement de tous les cĂŽtĂ©s, tel un drap de laine ou de soie qu’il compare Ă  d’autres et ce faisant, il amplifiera le personnage et ses attributs, soit en ajoutant aux choses que l’historien en a dit, soit en les dĂ©veloppant, en les ordonnant, en les sĂ©parant des autres et en leur donnant plus de relief ce que l’historien n’entend pas faire et n’a pas Ă  faire » Del genere demonstrativo, p. 548. 70 [Gli Spartani] alli quali era in odio, o parea essere odiosa l’arte del dire, erano in tanto di loda cupidi, che andando a combattere sacrificavano alle Muse, acciocchĂ© i gesti loro fossero lodati [
], ma senza artificio, e semplicemente » Del genere demonstrativo, p. 547. 71 Del genere demonstrativo, p. 547. 72 [
] pourquoi lorsque nous nous exprimons ne devons-nous pas parler civilement avec le respect dĂ» Ă  ceux qui nous Ă©coutent, en nous servant de mots et de gestes Ă©lĂ©gants ? [
] Quand des Ă©trangers nous rendent visite chez nous, ne couvrons-nous pas les murs et le sol de notre demeure avec des tapisseries et des tapis ; pourquoi ne couvririons-nous pas nos mots naturels de beaux ornements quand nous parlons au prince ? » Dell’arte oratoria, p. 540 ; c’est nous qui soulignons. 73 Imaginons un homme honnĂȘte plein d’éloquence et d’intelligence, qui sorti de sa patrie seul et nu presque un autre Bias vienne demeurer Ă  Bologne, que fera-t-il de son art ? S’il accuse ou dĂ©fend, voici un vil avocat, dira-t-on, qui vend ses paroles Ă  la populace ; s’il dĂ©libĂšre, ne faisant pas partie de la rĂ©publique, ses conseils ne sont pas Ă©coutĂ©s. Devra-t-il se taire et mener une vie inactive ? Non pas vraiment, mais il exercera continuellement son Ă©loquence par sa plume dans la cause dĂ©monstrative, en blĂąmant et en louant ; et il le fera non pas par haine ou pour avoir une rĂ©compense mais pour faire Ɠuvre de vĂ©ritĂ©. Ce faisant, en peu de temps il sera craint et estimĂ© non seulement par ses pairs mais aussi par les seigneurs et par les princes » Dialogo della Retorica, p. 658-659 ; c’est nous qui soulignons. Rappelons que Bias, dont il est question dans cette citation, fut un des sept sages, particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© par CicĂ©ron. 74 Or questo vostro eloquente se non m’inganna la simiglianza Ăš il ritratto dell’Aretino » Dialogo della Retorica, p. 659. 75 Carlo Dionisotti, La letteratura italiana nell’etĂ  del Concilio di Trento », in Idem, Geografia e storia della letteratura italiana, Turin, Einaudi, 1967, p. 183-204. 76 Sur la querelle qui opposa l’ArĂ©tin Ă  Antonio Broccardo, voir Paul Larivaille, Pietro Aretino, Rome, Salerno Editrice, 1997, p. 161-164. 77 Selon G. Mazzacurati, avec le Dialogo della Retorica Ăš compiuta l’affermazione della letteratura come scienza formale separata essa non aveva mai ricevuto prima, nella cultura italiana, una fondazione teorica tanto forte e recisa » La fondazione della letteratura », art. citĂ©, p. 250. 78 Mario Marti, Sperone Speroni retore e prosatore », in Dal certo al vero. Studi di filologia e di storia, Rome, Edizioni dell’Ateneo, 1962, p. 251-272, p. 265 Ma lo Speroni, piĂč che gli altri scrittori del suo tempo, predilige uno stile immaginoso e mosso, che spesso cade nel turgido e nell’enfatico, ricco di traslati, di metafore, di figure retoriche d’ogni genere, che dĂ nno origine all’inutilmente lambiccato ed al conseguente fastidio. È questo, forse, l’aspetto storicamente piĂč importante dello stile di Speroni, perchĂ© apre l’epoca nuova. Ma Ăš anche artisticamente il piĂč fiacco, perchĂ© allora la pur ricca umanitĂ  di quell’uomo cede alle lusinghe dell’orpello e se ne fa schiava ». 79 À titre rĂ©capitulatif et de rappel Finalmente – dit Brocardo au sujet de la cause dĂ©monstrative – l’arte e le cause oratorie a’ sentimenti di nostra vita aguagliando, posso dire che le due prime sono il senso del tatto, senza le quali non nasceva, non viverebbe la orazione; ma la causa dimostrativa, ornamento della retorica, Ăš occhio e luce che fa chiara la vita sua, lei a grado inalzando ove nulla dell’altre due non Ăš possente di pervenire » Dialogo della Retorica, p. 658. 80 Vents s’opposant Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© de la raison », les bourrasques », soleil qui en rĂ©flĂ©chissant ses rayons rĂ©chauffe et allume les deux autres causes infĂ©rieures » Dialogo della Retorica, respectivement, p. 647 et p. 658. 81 [
] io vi dico questa lingua moderna, tutto che sia attempatetta che no, esser perĂČ ancora assai picciola e sottile verga, la quale non ha appieno fiorito, non che frutti produtti che ella puĂČ fare certo non per difetto della natura di lei, essendo cosĂŹ atta a generar come le altre, ma per colpa di loro che l’ebbero in guardia, che non la coltivorno a bastanza, ma a guisa di pianta selvaggia, in quel medesimo deserto ove per sĂ© a nascere cominciĂČ, senza mai nĂ© adacquarla nĂ© potarla nĂ© difenderla dai pruni che fanno ombra, l’hanno lasciata invecchiare e quasi morire » Dialogo delle Lingue, p. 21-22. 82 Tanto sarebbe trasferir Aristotele di lingua greca in lombarda, quanto traspiantare un narancio e una oliva da un ben colto orticello in un bosco di pruni » Dialogo delle Lingue, p. 34-35. 83 Dunque, alle cause venendo, come io dissi, cosĂŹ ridico di nuovo che la causa demostrativa Ăš la piĂč orrevole, la piĂč perfetta, la piĂč difficile e finalmente la piĂč oratoria che niuna dell’altre due; la qual cosa mentre io tento di dimostrarvi, io vi prego che, non guardando alla fama degli scrittori della retorica, poniate mente alla veritĂ , la quale, da ragione aiutato, io mi apparecchio di palesarvi. PerciĂČ che altra cosa Ăš il parlar di questa arte, le vene sue, i suoi membri, l’ossa, i nervi e la carne sua annoverando e partendo, la qual guisa d’anatomia lei insegnando con le ragioni operiamo; e altra cosa Ăš il parlare oratoriamente al vulgo, a’ giudici, a’ senatori quegli allettando e movendo; il che non faccio al presente » Dialogo della Retorica, p. 655. 84 Si quelqu’un est noble et riche, et n’adapte pas son habillement et son train de vie Ă  ses richesses et Ă  sa noblesse, on le juge avare et mesquin. De mĂȘme un orateur savant et qui parle bien, s’il plaide sĂšchement sa cause devant le tribunal ou au sĂ©nat, non seulement sera tenu pour sot, mais le sera pour de bon. [
] À la messe et aux vĂȘpres, qui sont choses concernant l’ñme, le pape et les cardinaux s’ornent de beaux manteaux d’or et de pierres prĂ©cieuses pourquoi alors dans les causes civiles utiliserions-nous des mots simples et dĂ©pourvus de toute beautĂ© ? » Dell’arte oratoria, p. 540. 85 Et voici que les vĂȘtements de l’homme sont plus grands que sa personne ; sans quoi il n’y serait pas Ă  l’aise ; [
] et les mots sont des vĂȘtements et des maisons, oĂč logent les noms, et les souvenirs, et nos idĂ©es » Del genere demonstrativo, p. 548. 86 Voir plus haut, note 72. 87 Dialogo della Retorica, p. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Patrizia De Capitani, De l’art de persuader Ă  l’art de bien juger et de bien dire la rhĂ©torique chez Sperone Speroni », Cahiers d’études italiennes, 2 2005, 131-159. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Patrizia De Capitani, De l’art de persuader Ă  l’art de bien juger et de bien dire la rhĂ©torique chez Sperone Speroni », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 2 2005, mis en ligne le 15 octobre 2006, consultĂ© le 26 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page

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La parole est le propre de l'homme, elle permet de communiquer, d'Ă©changer. En ce sens, elle est au fondement de la civilisation humaine et de la politique. Toutefois, tous les hommes ne maĂźtrisent pas la parole de la mĂȘme façon. On parle ainsi d'art de la parole, ou encore de rhĂ©torique ou d'Ă©loquence. L'art de la parole se dĂ©veloppe et s'enseigne dĂšs l'AntiquitĂ©, de nombreux philosophes y traitent du sujet de diffĂ©rentes façons. Au Moyen Âge, l'art de la parole est tournĂ© vers la religion, Ă  la Renaissance il sert surtout Ă  argumenter, tandis qu'Ă  l'Ăąge classique un homme accompli se doit d'ĂȘtre Ă  l'aise Ă  l'oral. La parole apparaĂźt lĂ  oĂč dĂ©bute toute forme de vie publique. Parler est un art, ce n'est pas innĂ©, cela s'apprend c'est l'art de la parole ou art oratoire, que l'on nomme Ă©galement la rhĂ©torique art de bien parler grĂące Ă  la maĂźtrise de techniques oratoires. ALa parole marque de subjectivitĂ© et de la civilisation humaine L'homme exprime sa subjectivitĂ©, son individualitĂ©, par la parole. Si tous les hommes ont le langage, ils n'ont pas tous la mĂȘme langue, qui est propre Ă  chaque culture. Ils n'ont pas non plus tous la mĂȘme parole, c'est-Ă -dire la mĂȘme façon de s'exprimer. C'est Ă  partir du moment oĂč les hommes ont possĂ©dĂ© l'art de la parole qu'ils se sont mis Ă  se rĂ©unir en sociĂ©tĂ©. La parole leur permet d'Ă©changer et d'Ă©voluer en sociĂ©tĂ©. Parole On apprend Ă  parler une langue, la langue maternelle, puis on s'exprime d'une maniĂšre singuliĂšre. Cette expression singuliĂšre correspond Ă  ce que l'on appelle la parole » humaine. Par sa parole, chacun s'exprime dans un style qui lui est propre, tout en exposant sa pensĂ©e. Langage Le langage est universel tous les ĂȘtres humains sont porteurs d'un hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique qui les rend aptes Ă  apprendre Ă  parler. Langue La langue est particuliĂšre, car elle est propre Ă  une communautĂ© linguistique qui use de mots et de rĂšgles de grammaire communes. La parole est ce qui a permis la fondation de citĂ©s organisĂ©es, la mise en pratique de divers Ă©changes commerciaux par le biais d'interactions et la diffusion des savoirs et de la culture grĂące Ă  des parole humaine s'acquiert et se pratique pour devenir l'expression de la pensĂ©e subjective de chacun, comme l'indique Aristote dans De l'interprĂ©tation. De l'interprĂ©tation, chapitre 1, trad. J. Tricot, © Ă©ditions Vrin, 1994Les paroles prononcĂ©es par chaque homme sont des symboles dĂ©chiffrĂ©s par les interlocuteurs. Ils permettent aux hommes de faire entendre leurs idĂ©es personnelles. BL'art de la parole instrument de la chose politique » La chose politique » est la pratique des affaires humaines dans le cadre de la citĂ©. L'art de la parole est l'art de convaincre, persuader et Ă©mouvoir par la parole. Il est essentiel dans la pratique des affaires humaines au sein de la citĂ©. L'art de la parole apparaĂźt dans la GrĂšce antique. Le bon orateur est celui qui utilise l'art de la parole pour entraĂźner les autres dans un projet politique, pour dĂ©fendre la citĂ©. TrĂšs vite, maĂźtriser l'art de la parole, c'est savoir dĂ©fendre ou condamner un projet, c'est savoir convaincre les autres mais c'est Ă©galement savoir les dissuader. De Oratore, livre I, trad. DĂ©sirĂ© NisardCicĂ©ron dresse ici le portrait de l'orateur idĂ©al un homme qui n'a peur de rien et qui est capable d'utiliser l'art de la parole comme arme pour dĂ©fendre sa citĂ©. IIL'art de la parole dans l'AntiquitĂ© L'art de la parole prend diverses formes dans l'AntiquitĂ©. Dans tous les cas, il s'agit de prĂ©senter une rĂ©flexion, une opinion, en cherchant Ă  obtenir l'adhĂ©sion du destinataire. Quatre figures majeures reprĂ©sentent cet art de la parole dans l'AntiquitĂ© grecque Socrate, Platon, Aristote et DĂ©mosthĂšne. À l'Ă©poque romaine, des rhĂ©teurs ceux qui enseignent l'art de la parole, la rhĂ©torique apparaissent, trois figures majeures s'imposent CicĂ©ron, SĂ©nĂšque et Quintilien. ALa naissance de l'art de la parole en GrĂšce antique C'est dans la GrĂšce antique que l'art de la parole trouve son origine avec la rhĂ©torique l'art de persuader un auditoire. La rhĂ©torique tient une place dominante en GrĂšce antique, elle s'inscrit dans le cursus scolaire que doit suivre tout citoyen, ce que les Grecs nomment paideia Ă©ducation », chaque citoyen se doit de maĂźtriser Ă  la perfection le langage et ses rouages. La rhĂ©torique est inventĂ©e par les grands philosophes dont les principaux sont Socrate, Aristote et DĂ©mosthĂšne. 1La rhĂ©torique comme enseignement de l'art de la parole La rhĂ©torique constitue Ă  la fois une science et un art. Elle permet la maĂźtrise des effets du discours sur l'auditoire. Elle peut devenir un art manipulatrice et correspond Ă  une forme de rhĂ©torique est nĂ©e dans la GrĂšce antique, chez les sophistes, Ă  partir du Ve siĂšcle avant tant que science, la rhĂ©torique fait l'objet d'Ă©tudes qu'on peut enseigner. C'est un art, car il faut s'exercer, apprendre Ă  mettre en valeur sa parole devant un public. L'objectif de la rhĂ©torique est d'emporter l'adhĂ©sion de l'auditoire par la persuasion. La rhĂ©torique use de la vraisemblance, Ă  laquelle chacun adhĂšre sans rĂ©flĂ©chir, au dĂ©triment de la vĂ©ritĂ©. 2L'art de la parole selon Socrate la maĂŻeutique Socrate passe sa vie Ă  questionner les gens qu'il rencontre. Il les pousse Ă  avoir une dĂ©marche argumentative pour atteindre une forme pure de vĂ©ritĂ©. On parle de la maĂŻeutique de Socrate il fait accoucher les Ăąmes par le dialogue, par la parole. Socrate n'a pas laissĂ© d'Ă©crits, mais son disciple, Platon, montre l'habilitĂ© de Socrate pour la rhĂ©torique dans son Ɠuvre Gorgias. Platon imagine un dialogue entre Socrate et Gorgias, maĂźtre incontestĂ© dans l'art de la rhĂ©torique. Socrate ne cesse de poser des questions, il va au bout des choses. Il argumente, il remet en cause, il cherche Ă  comprendre pourquoi, comment et pousse les autres Ă  en faire autant. Gorgias explique que la rhĂ©torique est un art supĂ©rieur Ă  tous les autres, il permet de convaincre et de persuader n'importe quel interlocuteur, dans n'importe quelle circonstance. 3Les trois types de discours d'Aristote Pour Aristote, Ă©lĂšve de Platon, il existe trois types de discours dĂ©libĂ©ratif, judiciaire, dĂ©monstratif. Il les thĂ©orise dans sa RhĂ©torique. Aristote souligne que les discours doivent suivre une certaine discours, pour qu'il soit efficace, doit contenir les trois genres le discours dĂ©libĂ©ratif est le discours du dĂ©bat ; le discours judiciaire est celui que l'on emploie lors de procĂšs ; le discours dĂ©monstratif cherche Ă  faire l'Ă©loge ou le blĂąme de quelque chose. Logique La logique est la science des conditions du discours vrai. La pensĂ©e doit ĂȘtre cohĂ©rente et rechercher le vrai. Aristote est le premier Ă  expliciter les principes de la logique et les conditions du discours les principes de la logique, le principe de non-contradiction est l'un des plus importants. Le syllogisme est le premier type de propositions logiques qu'il Ă©nonce. Syllogisme Un syllogisme est un type de raisonnement construit en trois Ă©tapes, deux prĂ©misses et une conclusion la premiĂšre prĂ©misse Ă©nonce le plus souvent un fait universel tous les hommes sont mortels », la seconde Ă©nonce un fait particulier Socrate est un homme », la derniĂšre Ă©tape est une conclusion logique issue, par dĂ©duction, des deux premiĂšres propositions Socrate est mortel ». RhĂ©torique, I, III, trad. Charles-Émile Ruelle, 1882 4La parole persuasive de DĂ©mosthĂšne DĂ©mosthĂšne est l'un des plus grands orateurs antiques, ce qui lui valut le surnom l'Orateur ». Il bouleverse l'ordre traditionnel des parties du discours dans ses prises de parole. Il joue avec les outils du langage et cherche Ă  persuader son n'utilise pas de discours judiciaire, dĂ©libĂ©ratif ou dĂ©monstratif. Il prĂ©fĂšre jouer sur les figures de style plutĂŽt que sur la technique mĂȘme du discours. Celui lui permet de manipuler son auditoire, de le persuader il cherche Ă  toucher son auditoire, il s'adresse Ă  leurs Ă©motions. C'est ce qu'il fait dans son discours Sur la couronne, dans lequel il accuse Alexandre le Grand, cherchant Ă  provoquer la colĂšre de son auditoire. Sur la couronne, trad. Georges Mathieu, 1947Devant l'ensemble du peuple athĂ©nien, DĂ©mosthĂšne accuse ouvertement Eschine d'avoir Ă©tĂ© achetĂ© par Alexandre. Pour cela, il utilise des comparaisons pour dĂ©signer les personnes Ă  la solde d'Alexandre le Grand des moissonneurs » ou ceux qui font quelque autre chose moyennant salaire ». Il n'emploie pas de discours judiciaire, dĂ©libĂ©ratif ou dĂ©monstratif. BLes rhĂ©teurs romains Chez les Romains, la rhĂ©torique devient un art total d'une importance capitale. C'est la raison pour laquelle on voit apparaĂźtre des Ă©coles dans lesquelles le rhetor, le rhĂ©teur, initie Ă  l'art de faire des discours. Parmi ces grands rhĂ©teurs, on trouve CicĂ©ron, SĂ©nĂšque et Quintilien. 1Les cinq parties du discours de CicĂ©ron Avocat et homme politique romain, CicĂ©ron est certainement l'un des plus grands orateurs de son temps, ainsi qu'un grand thĂ©oricien de la rhĂ©torique. Pour lui, le discours est divisĂ© en cinq principes de la rhĂ©torique pour CicĂ©ron sont inventio trouver des arguments, dispositio ordonner son discours, elocutio maniĂšre de s'exprimer, actio l'attitude corporelle de l'orateur lors du discours, memoria capacitĂ© Ă  retenir le contenu du discours. Avec CicĂ©ron, l'art de la parole est donc total, il monopolise tout le corps. Il ne suffit pas d'avoir un discours bien construit et ordonnĂ©, il faut aussi mĂ©moriser ce discours et savoir le transmettre avec les bons gestes. De Oratore, livre I, trad. DĂ©sirĂ© NisardCicĂ©ron fait l'Ă©loge de la parole. Selon le philosophe, il n'existe rien de plus beau que le fait de regarder et d'Ă©couter une personne dĂ©clamer un discours devant une foule qui s'extasie. 2L'art de la parole pour guider spirituellement les hommes Pour SĂ©nĂšque, maĂźtriser la parole permet de convaincre les hommes de mener une vie plus spirituelle. Dans ses divers traitĂ©s, SĂ©nĂšque utilise l'art de la parole pour aider les hommes Ă  trouver leur chemin et Ă  ĂȘtre heureux. Ainsi, dans le traitĂ© De la vie heureuse, il veut prouver que le bonheur ne se trouve pas dans la reprĂ©sentation des choses matĂ©rielles. Dans cet extrait, SĂ©nĂšque utilise la mĂ©taphore du chemin pour Ă©voquer la vie. Il indique que beaucoup d'hommes sont aveuglĂ©s lors de leur recherche de bonheur et passent Ă  cĂŽtĂ© d'une vie heureuse. Avant de prendre un chemin, quel qu'il soit, l'homme doit d'abord comprendre ce qu'il recherche, et le philosophe est lĂ  pour le guider Ă  travers ses mots. L'art de la parole sert ici Ă  dĂ©fendre une vision du bonheur, Ă  guider l'homme vers le bonheur. 3Les nouvelles thĂ©ories oratoires de Quintilien La rhĂ©torique acquiert une plus grande importance avec Quintilien, qui la voit comme une science fondamentale. Pour lui, l'Ă©loquence est la plus grande vertu de l'homme. Il Ă©nonce de nouvelles thĂ©ories oratoires, qui ne sont pas fondĂ©es sur des rĂšgles prĂ©cises. Pour lui, il convient d'adapter son discours Ă  la situation. Quintilien s'intĂ©resse au rĂŽle de la rhĂ©torique dans l'Ă©ducation des enfants dans son Ɠuvre Institution oratoire. Il s'imagine instituteur du lecteur pour en faire un parfait orateur. Il tente de se dĂ©tacher des prĂ©ceptes mis en place par ses prĂ©dĂ©cesseurs selon lui, les recettes toutes faites ne permettent pas de former Ă  l'art oratoire. Éloquence L'Ă©loquence peut ĂȘtre une sorte de don naturel pour parler mais aussi l'art de la perfection de la maĂźtrise de la parole. L'Ă©loquence pour Quintilien est l'art de bien parler, de bien construire ses discours, mais aussi de maĂźtriser la voix et ses modulations, son expressivitĂ©, ainsi que celle de son visage et de son oratoire, I, trad. C. V. OuizilleQuintilien explique que l'art de la rhĂ©torique doit s'envisager comme une stratĂ©gie militaire. En effet, de mĂȘme que l'on ne peut pas adapter la mĂȘme stratĂ©gie militaire dans toutes les batailles, on ne peut pas appliquer une recette toute faite en rhĂ©torique. Il faut adapter l'art oratoire aux conditions particuliĂšres dans lesquelles l'homme doit prononcer son discours. IIIL'art de la parole du Moyen Âge Ă  l'Ă©poque classique Au cours du Moyen Âge, c'est la religion qui prime. On ne dĂ©bat plus vĂ©ritablement dans les espaces publics comme c'Ă©tait le cas dans l'AntiquitĂ©. On continue de dĂ©battre dans les universitĂ©s. C'est Ă  partir du XVIe siĂšcle que l'art de la parole tient de nouveau un rĂŽle primordial dans les dĂ©bats. Au siĂšcle suivant, Ă  l'Ă©poque classique, l'homme accompli est avant tout un maĂźtre de l'art de la parole. ALe trivium » oratoire au Moyen Âge Au Moyen Âge, l'art de la parole devient une discipline s'intĂ©grant au trivium ». L'art de la parole est dispensĂ© par des professeurs dans les universitĂ©s pour permettre aux Ă©tudiants de comprendre et de se faire comprendre, d'argumenter et d'Ă©voluer aisĂ©ment dans la sociĂ©tĂ©. L'art de la parole est enseignĂ©e avec la leçon et la dispute. Leçon La leçon est une lecture et un commentaire des grands textes du passĂ©. La leçon est la premiĂšre forme que prend l'enseignement de l'art de la parole dans la facultĂ© des arts mĂ©diĂ©vale. Il s'agit d'apprendre Ă  lire et Ă  commenter les textes d'Aristote au programme de la facultĂ© des arts de Paris Ă  partir du milieu du XIIIe siĂšcle. Plus tard, dans la facultĂ© de thĂ©ologie, ce sont les Ɠuvres des PĂšres de l'Église et, en particulier, celle d'Augustin d'Hippone qui font l'objet de lectures deuxiĂšme forme que prend l'enseignement de l'art de la parole dans les universitĂ©s mĂ©diĂ©vales est la dispute. Dispute La dispute est un dĂ©bat qui doit permettre d'apprendre Ă  l'Ă©lĂšve Ă  discourir et argumenter Ă  propos d'Ă  peu prĂšs n'importe quoi. La dispute est pratiquĂ©e par les Ă©tudiants avancĂ©s et leurs maĂźtres. Les sujets des dĂ©bats sont qualifiĂ©s de quodlibĂ©tique ». Ils peuvent ĂȘtre proposĂ©s par n'importe qui quolibet », sur n'importe quoi, quodlibet » au sens propre ce qui nous plaĂźt ». L'Ă©lĂšve doit ĂȘtre capable de discourir et d'argumenter Ă  propos d'Ă  peu prĂšs n'importe quoi, en montrant sa culture et en emportant l'adhĂ©sion de l' dispute est devenu un art typique des Ă©lites en France. Il se pratique encore dans les grandes trivium comprend Ă©galement l'Ă©tude de la grammaire et de la dialectique. Dialectique La dialectique est l'art du dialogue. Il s'agit d'opposer sa pensĂ©e Ă  celle d'autrui en lui prĂ©sentant ses arguments ; on examine alors la validitĂ© des siens pour Ă©ventuellement les rĂ©futer ou au contraire s'en trouver convaincu. ParticuliĂšrement employĂ© par les hommes d'Église pour l'Ă©laboration de leurs sermons, l'art de la parole exige une parfaite connaissance de la langue latine. Dans un premier temps, on lit un texte, puis on le questionne. Les Ă©tudiants doivent montrer leur maĂźtrise de la rhĂ©torique en rĂ©ussissant Ă  trouver des arguments convaincants. Saint Thomas d'Aquin est un maĂźtre de l'art de la parole au Moyen la Somme thĂ©ologique, saint Thomas d'Aquin pose 512 questions d'ordre religieux et propose des rĂ©ponses sous forme d'articles. Chaque article se compose de 4 parties sententiae les objections ; sed contra le sens contraire ; respondeo dicendum la rĂ©ponse ; explicatio la solution. Somme thĂ©ologique, trad. frĂšre RĂ©ginaldLes objections donnent tous les arguments qui cherchent Ă  montrer qu'on ne peut pas prouver l'existence de Dieu. Le sens contraire indique que les actions divines sont invisibles, donc l'existence de Dieu peut se dĂ©montrer par ce biais-lĂ . Thomas d'Aquin en arrive Ă  la conclusion que mĂȘme si l'on ne peut pas le voir physiquement, ses actions et ses Ɠuvres dĂ©montrent l'existence de Dieu. BUn art de la parole Ă  visĂ©e argumentative durant la Renaissance À partir de la Renaissance, on va redĂ©couvrir les textes antiques. L'art de la parole devient un outil pĂ©dagogique fondamental dans l'argumentation. Montaigne est un homme de la Renaissance qui utilise l'art de la parole pour argumenter. Dans les Essais, il dĂ©crit son monde en suivant le fil de sa pensĂ©e, dans le but de se libĂ©rer de la doxa l'opinion commune. Dans cette Ɠuvre argumentative, il tente dans chaque chapitre de faire adhĂ©rer le lecteur Ă  sa vision du monde Ă  travers une maĂźtrise parfaite de la autre figure majeure de la rhĂ©torique de la Renaissance est Érasme, cĂ©lĂšbre pour son Ă©loge paradoxal de la folie. Éloge de la Folie, trad. Pierre de Nolhac, © Garnier-Flammarion, 1964Dans ce texte, Érasme associe les rhĂ©teurs Ă  la folie. En effet, c'est la folie ici qui parle, elle est personnifiĂ©e. Le texte commence par Les RhĂ©teurs aussi relĂšvent de moi ». Érasme associe Ă©galement certains philosophes Ă  la folie, notamment Quintilien qui est citĂ©. Il utilise une ponctuation expressive pour se moquer phrase exclamative. Érasme dĂ©nonce la bĂȘtise de certains rhĂ©teurs et philosophes. Il se fait le porte-parole de la folie pour mieux dĂ©noncer l'absurditĂ© des propos de certains. CL'Ă©loquence au service des hommes Ă  l'Ăąge classique L'Ăąge classique est marquĂ© par une querelle entre les Anciens et les Modernes, ainsi que par la fondation de l'AcadĂ©mie française en 1635. L'art de la parole devient un moyen d'attaque et de dĂ©fense privilĂ©giĂ© par les hommes de lettres et les philosophes. On cherche Ă  mettre en avant une forme parfaite du discours maĂźtrisĂ© par l'honnĂȘte homme. De nombreux auteurs illustrent la maĂźtrise classique de l'art de la parole Pascal, La Fontaine, Descartes, La Rochefoucauld, La BruyĂšre ou encore Boileau. Le poĂšte Nicolas Boileau montre que la rhĂ©torique a pour but de promouvoir la langue française. En effet, dans le chant I de L'Art poĂ©tique, il dĂ©fend l'idĂ©e que tout le monde ne peut pas ĂȘtre un bon poĂšte, il s'agit de maĂźtriser certaines rĂšgles et d'ĂȘtre capable de les appliquer. Si le poĂšte mĂ©prise les rĂšgles poĂ©tiques, il n'Ă©crira que des textes mĂ©diocres et ne connaĂźtra pas le succĂšs. De fait, il faut cesser de croire que pour bien Ă©crire il suffit d'ĂȘtre inspirĂ© par une muse ; au contraire, il faut sans cesse travailler son discours. L'homme classique est donc un homme instruit qui connaĂźt et maĂźtrise les rĂšgles du discours.
1C'est le sous-titre du collectif dirigé par G. Routhier, Faire écho au Verbe. Réinvestir dans l'ho ; 2 Pour reprendre une expression en vogue depuis peu, grùce notamment aux deux ouvrages dirigés par P ; 1 L'homélie a fort mauvaise réputation. Elle continue pourtant de rejoindre chaque dimanche un nombre considérable de personnes à travers les diocÚses et les paroisses, et de

L'art L'art ne doit pas seulement ĂȘtre entendu dans le sens de beaux-arts » il ne faut pas oublier l'art de l'artisan, qui lui aussi rĂ©clame une technique, c'est-Ă -dire un ensemble de rĂšgles Ă  respecter. Il est clair cependant que les beaux-arts n'ont pas la mĂȘme finalitĂ© puisqu'ils recherchent le beau et produisent des objets dĂ©pourvus d'utilitĂ©. Ce n'est qu'au xviiie siĂšcle que le terme d'art a Ă©tĂ© rĂ©duit Ă  la signification que nous lui connaissons actuellement. Il avait jusque-lĂ  servi Ă  dĂ©signer toute activitĂ© humaine ayant pour but de produire des objets en ce sens, l'art s'oppose Ă  la nature, qui est l'ensemble de tout ce qui se fait sans que l'homme ait Ă  intervenir. L'art rĂ©clame toujours des rĂšgles lorsque l'on est charpentier comme lorsque l'on est musicien, il faut observer des rĂšgles si l'on veut produire l'Ɠuvre dĂ©sirĂ©e. C'est exactement ce que veut dire le mot technĂš en grec la technique, c'est l'ensemble des rĂšgles qu'il faut suivre dans un art donnĂ©. Les meilleurs professeurs de Philosophie disponibles4,9 17 avis 1er cours offert !5 152 avis 1er cours offert !5 77 avis 1er cours offert !5 63 avis 1er cours offert !5 24 avis 1er cours offert !5 15 avis 1er cours offert !5 14 avis 1er cours offert !5 20 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 152 avis 1er cours offert !5 77 avis 1er cours offert !5 63 avis 1er cours offert !5 24 avis 1er cours offert !5 15 avis 1er cours offert !5 14 avis 1er cours offert !5 20 avis 1er cours offert !C'est partiII/ Qu'est-ce qui diffĂ©rencie les beaux-arts de l'art de l'artisan ? L'artisan a pour but de produire des objets d'usage c'est l'usage qu'on va faire de l'objet qui dĂ©termine ses caractĂ©ristiques et donc la façon dont on va le fabriquer. L'artiste quant Ă  lui ne vise pas l'utile, mais le beau. Si l'habiletĂ© technique est la limite supĂ©rieure de l'art de l'artisan, elle est la limite infĂ©rieure des beaux-arts alors qu'on attend d'un objet courant qu'il soit bien conçu et rĂ©alisĂ© de façon Ă  ĂȘtre d'usage aisĂ©, on n'attend pas simplement d'un tableau qu'il soit bien peint, mais qu'il Ă©veille en nous le sentiment du beau. III/ Peut-on dĂ©finir ce qu'est le beau ? Deux grandes conceptions s'affrontent dans l'histoire de la philosophie soit le beau est une caractĂ©ristique de l'objet, soit il est un sentiment du sujet. La premiĂšre doctrine remonte Ă  Platon une chose est belle quand elle est parfaitement ce qu'elle doit ĂȘtre ; on peut parler d'une belle marmite, quand cette marmite rend exemplaire l'idĂ©e mĂȘme de marmite. La seconde est inaugurĂ©e par Emmanuel Kant le beau n'est pas une caractĂ©ristique de l'objet, c'est un sentiment du sujet, Ă©veillĂ© par certains objets qui produisent en nous un sentiment de libertĂ© et de vitalitĂ©. En effet, le sentiment du beau est le libre jeu » de l'imagination et de l'entendement le beau suscite un jeu de nos facultĂ©s par lequel nous Ă©prouvons en nous le dynamisme mĂȘme de la vie. IV/ Le beau dĂ©pend-il du goĂ»t de chacun ? Selon Kant, la rĂ©ponse est nĂ©gative le beau plaĂźt universellement, mĂȘme s'il s'agit d'une universalitĂ© de droit, et non de fait. Si je juge une Ɠuvre belle alors que mon voisin la trouve laide, la premiĂšre chose que je tenterai de faire, c'est de le convaincre. C'est ce qui diffĂ©rencie le beau de l'agrĂ©able l'agrĂ©able est affaire de goĂ»t et dĂ©pend du caprice de chacun, alors que le beau exige l'universalitĂ©. Le beau peut ĂȘtre universel parce qu'il fait jouer des facultĂ©s qui sont communes Ă  tous les sujets le sentiment que j'Ă©prouve devant la belle Ɠuvre peut, en droit, ĂȘtre partagĂ© par tous. Pour Kant cependant, cette dĂ©finition vaut aussi bien pour le beau naturel que pour le beau artistique ; en un sens, le beau naturel peut ĂȘtre selon lui supĂ©rieur au beau artistique, parce qu'il est purement gratuit la belle Ɠuvre est faite pour plaire, et cette intention, quand elle est trop visible, peut gĂącher notre plaisir ; rien de tel avec un beau paysage. Vous cherchez un professeur de philosophie pour progresser ? V/ L'Ɠuvre d'art a-t-elle une fonction ? Contrairement Ă  l'objet technique qui trouve la raison de son existence dans son utilitĂ©, l'Ɠuvre d'art semble ne pas avoir de fonction particuliĂšre. Suffit-il alors de rendre un objet technique inutilisable pour en faire une Ɠuvre d'art ? C'est en tous cas la thĂ©orie du ready-made de Marcel Duchamps. Pour Kant cependant, cette inutilitĂ© n'est pas simplement une absence de fonction elle rĂ©sulte de la nature mĂȘme du beau. Dire qu'une fleur est belle ne dĂ©termine en rien le concept de fleur le jugement esthĂ©tique n'est pas un jugement de connaissance, il ne dĂ©termine en rien son objet, qui plaĂźt sans qu'on puisse dire pourquoi. C'est ainsi parce que le beau plaĂźt sans concept que l'Ɠuvre ne peut pas avoir de finalitĂ© assignable. VI/ L'art sert-il Ă  quelque chose ? Que l'Ɠuvre d'art n'ait pas de fonction assignable ne signifie pas que l'art ne sert Ă  rien Hegel, dans son EsthĂ©tique, lui assigne mĂȘme la tĂąche la plus haute. Une Ɠuvre n'a pas pour but de reproduire la nature avec les faibles moyens dont l'artiste dispose, mais de la recrĂ©er. Dans le tableau, ce n'est donc pas la nature que je contemple, mais l'esprit humain l'art est le moyen par lequel la conscience devient conscience de soi, c'est-Ă -dire la façon par laquelle l'esprit s'approprie la nature et l'humanise. C'est donc parce que nous nous y contemplons nous-mĂȘmes que l'art nous intĂ©resse. Certes, un outil est aussi le produit de l'esprit humain ; mais il a d'abord une fonction utilitaire et pratique. En contemplant une Ɠuvre d'art en revanche, nous ne satisfaisons pas un besoin pratique, mais purement spirituel c'est ce qui fait la supĂ©rioritĂ© des Ɠuvres sur les autres objets qui peuplent notre monde. La citation Est beau, ce qui plaĂźt universellement et sans concept. » Emmanuel Kant

ï»żSommaire 1 Une vision renouvelĂ©e du beau 2 L’Un-principe 3 L’Un au-delĂ  de l’intelligence 4 Le beau et ses manifestations 4.1 La beautĂ© sensible est impure 4.2 BeautĂ© et purification 4.3 L’art sublime la beautĂ© naturelle 4.4 L’une des sept merveilles du monde 4.5 L’art comme une rĂ©vĂ©lation 5 VidĂ©o : Plotin, philosophe de l’Un
Objectif DĂ©couvrir l'art oratoire antique et les plus grands rhĂ©teurs. La rhĂ©torique est un art oratoire ou la maniĂšre de parler avec force et persuasion. Elle est particuliĂšrement prisĂ©e chez les grecs anciens, comme une technique de communication, la science de bien parler, au-delĂ  mĂȘme du pur discours politique, prenant en compte l’effet sur le destinataire, son ressenti. 1. DĂ©finitions ‱ Étymologie Le mot rhĂ©torique » vient du latin rhetorica lui-mĂȘme issu du grec rĂȘtorikĂȘ dĂ©signant la technique de l’art oratoire ou l’art de bien parler . Ainsi, le rhĂ©teur » est un bon orateur, qui sait utiliser le langage et ses ressources pour persuader et convaincre son auditoire. ‱ Sens La rhĂ©torique est une science du langage utilisant des moyens techniques figures de style, ornements, rythme, effet pathĂ©tique
 qui persuadent l’auditoire du bien-fondĂ© d’un discours. Elle dĂ©signe autant le langage technique judiciaire et politique que l’art de parler avec un effet maĂźtrisĂ© sur un public dans un domaine autre, comme la littĂ©rature, le théùtre ou l’économie. Plusieurs autres disciplines sont liĂ©es Ă  la rhĂ©torique comme - la stylistique qui Ă©tudie surtout la maniĂšre d’écrire, le style, comme la tournure de l’expression propre d’un Ă©crivain ou orateur. - l’argumentation qui est une Ă©criture dans un but de dĂ©montrer, de persuader et de convaincre au sujet d’une vĂ©ritĂ© Ă  rechercher. - la dialectique qui est une mĂ©thode de raisonnement prenant en compte des positions diverses, se nourrissant de la pluralitĂ© des connaissances et points de vue. ‱ Moyens La rhĂ©torique se base sur trois critĂšres - la preuve d’un raisonnement vĂ©ridique, CicĂ©ron exige de prouver la vĂ©ritĂ© de ce qu’on affirme ». - l’approbation de l’auditoire se concilier la bienveillance des auditeurs ». - l’émotion Ă©veiller en eux toutes les Ă©motions qui sont utiles Ă  la cause ». S’associent alors diffĂ©rentes fonctions du langage - le logos ou le discours rationnel et la structure logique. - le pathos ou l'effet de charme et de sĂ©duction du langage. - l’éthos ou la fonction morale du langage dĂ©veloppant la vertu exemplaire. Doc. 1. CicĂ©ron en l'an 50 avant 2. Histoire littĂ©raire Polymnie connue aussi sous le nom d’Eloquentia est la muse de la rhĂ©torique, la muse des hymnes nuptiaux et de deuil, accompagnĂ©s de musique. Elle est souvent reprĂ©sentĂ©e debout, avec un sceptre ou rouleau sur lequel est inscrit suadere, signifiant persuader » ou le nom de grands orateurs du monde greco-romain. a. La rhĂ©torique dans l'antiquitĂ© grecque ‱ Origine La rhĂ©torique est nĂ©e au 5e siĂšcle avant en Sicile puis Ă  AthĂšnes, introduite par le sophiste Gorgias Professeur d’éloquence et orateur, cĂ©lĂšbre pour sa culture et de sa maĂźtrise du discours. Elle est alors la maĂźtrise d’une parole efficace en matiĂšre de politique et de justice. Les orateurs AnaximĂšne, Aristote, DĂ©mĂ©trios, CicĂ©ron, Quintilien, HermogĂšne thĂ©orisent la discipline qui devient l’un des sept arts Ă  maĂźtriser dans un parcours scolaire. Ils dĂ©finissent les moyens techniques efficaces du discours et les questions thĂ©oriques essentielles que sont la vĂ©ritĂ© s’opposant au vraisemblable, l’évidence au lieu commun.‱ Les sophistes Les sophistes sont des orateurs itinĂ©rants qui dispensent des cours basĂ©s essentiellement sur la puissance du langage, considĂ©rĂ©s plus tard par Platon comme des manipulateurs. Il s’agit d’accĂ©der Ă  la reconnaissance par la puissance de l’art oratoire. Les plus puissants sont Gorgias capable disait-il de soutenir n’importe quelle thĂšse au moyen d’un style plein d’aisance ; Hippias d’Elis qui faisait montre de son immense savoir ; Protagoras qui maĂźtrisait l’art de la controverse et de l’improvisation. ‱ Platon et la dialectique 428-347 avant. Doc. 2. Platon, dĂ©tail de L'Ecole d'AthĂšne par Raphael 16e siĂšcle . Le philosophe s’insurge contre la mĂ©thode sophiste en recherchant la vĂ©ritĂ© et prenant en compte les positions diverses. Il s’agit de ne soutenir que la vĂ©ritĂ© et non de dĂ©fendre le vraisemblable. Le dialogue vĂ©ritable permet l’accĂšs au savoir. Il oppose la rhĂ©torique qui argumente sur le probable afin de convaincre et la philosophie qui est quĂȘte d’une vĂ©ritĂ© fondĂ©e. ‱ Aristote 324-322 avant Le philosophe est Ă©lĂšve de Platon et dĂ©finit la rhĂ©torique comme un art utile pour communiquer des idĂ©es fondĂ©es sur des preuves rationnelles. Il dĂ©termine trois genres rhĂ©toriques qui obĂ©issent Ă  des registres et mĂ©thodologies distinctes - le dĂ©libĂ©ratif qui pousse au choix et Ă  l’action ; - le dĂ©monstratif qui juge la valeur de quelque chose ; - le judiciaire qui sert Ă  l’accusation ou la dĂ©fense auprĂšs du juge. La RhĂ©torique, composĂ©e vers 329 avant dĂ©finit le fonctionnement de la rhĂ©torique, les effets sur la psychologie des locuteurs et les effets stylistiques. Elle traite de sujets philosophiques comme la justice, le droit ou la loi. b. La rhĂ©torique dans l'antiquitĂ© latine A partir du 2e siĂšcle avant l’art oratoire tient une place prĂ©pondĂ©rante dans la vie publique romaine, ainsi que dans les Ă©coles elle fait partie des humanitĂ©s ». Elle se base sur les thĂ©ories grecques de Platon et Aristote mais elle privilĂ©gie la pratique de l’expression. Les principaux orateurs sont CicĂ©ron et Quintilien. ‱ CicĂ©ron 106-43 avant CicĂ©ron est un orateur et magistrat romain influent, considĂ©rĂ© comme l’un des plus grands rhĂ©teurs de l’antiquitĂ©. Il a rĂ©digĂ© de nombreux discours et traitĂ©s De Inventione oratoria, De Oratore qui thĂ©orisent les bases de l’éloquence latine en ajoutant Ă  celle d’Aristote la notion d’éthos qui pose les valeurs citoyennes et morales comme indissociables de la rhĂ©torique. ‱ Quintilien 30-95 ap. Quintilien est un plaideur rĂ©putĂ© Ă  qui on confĂšre trĂšs vite une chaire de rhĂ©torique Ă  Rome. Il pense la rhĂ©torique comme la raison est la vertu de l’homme ». Il thĂ©orise sur l’enseignement de la discipline dans son Institutio Oratoria de l’apprentissage du langage parfait Ă  la maĂźtrise de la grammaire et de la poĂ©sie ; de l’écriture narrative aux declamationes qui sont des discours sur des exemples hypothĂ©tiques. L’élĂšve acquiert une parfaite maĂźtrise du langage tout en manifestant une conscience citoyenne. Il fonde les cinq Ă©tapes de l’entrainement rhĂ©torique - L’Inventio l’invention. - La Dispositio la structure. - L’Elocutio le style. - La Memoria l’apprentissage et mĂ©morisation du discours. - L’Actio l’oralisation du discours. L'essentiel La rhĂ©torique Ă©volue de sa fonction politique vers l’art de bien parler. Toutefois, le terme prend aujourd’hui une connotation nĂ©gative puisqu’il est associĂ© Ă  un discours vide, masquant ce dĂ©faut par de jolies prouesses de langage. Vous avez dĂ©jĂ  mis une note Ă  ce cours. DĂ©couvrez les autres cours offerts par Maxicours ! DĂ©couvrez Maxicours Comment as-tu trouvĂ© ce cours ? Évalue ce cours ! Fiche de cours VidĂ©os Profs en ligne W0KG.
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